Savoir lire son bulletin de paie… c’est souvent toute une histoire. Face à ce constat, le gouvernement a établi une fiche de salaire plus simple. Toutes les sociétés devront suivre ce modèle, qui entre en vigueur le 1er janvier 2016 pour les entreprises volontaires, puis pour celles d’au moins 300 salariés au 1er janvier 2017 et enfin, pour toutes les entreprises, dès le 1er janvier 2018.
Rôle du bulletin de paie
C’est le justificatif du salaire net versé chaque mois, avec le calcul du brut au net, des primes diverses, des cotisations sociales versées par le salarié et l’entreprise (les fameuses « cotisations patronales » et non « charges patronales »). Il indique le positionnement du salarié dans l’entreprise, son niveau, sa qualification, son emploi, son ancienneté, le lieu de l’URSSAF où sont versées les cotisations. Il prouve l’ouverture des droits à la retraite, aux Indemnités Journalières (IJ), maternité, invalidité, droit aux allocations chômage, … Il informe sur les obligations de l’entreprise.
Simplifier ou dissimuler ?
Dans un soi-disant souci de faciliter la lecture du bulletin de paie, le gouvernement a fait le choix de regrouper par « risques » les lignes de cotisations de protection sociale. Les autres contributions dues par l’employeur figurent sur une seule ligne et une nouvelle ligne allègement de cotisations apparaît. Mais « Les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l’est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible » écrivait La Bruyère. Ainsi, la simplification rend toujours incompréhensible le bulletin de paie. Par exemple, la suppression prévue de la mention de l’organisme auquel l’employeur verse les cotisations permettait jusqu’alors de contrôler l’existence légale de l’entreprise et servait dans la défense des salariés devant les tribunaux. Sans contrat de travail écrit, dans lequel seraient indiqués tous les organismes auxquels les cotisations sont versées, il sera très difficile aux salariés de se défendre en cas de non respect de la législation. De plus, les contrôles contre le travail illégal seront complexifiés par cette suppression, ce qui est dans la période un très mauvais signal.
De plus, la loi Travail a également concrétisé la possibilité de dématérialiser le bulletin de paie dès le 1er janvier 2017, sur une base de volontariat des salariés. Or, la dématérialisation des documents administratifs ne facilite pas la lecture et l’examen en détail des contenus. C’est une aubaine pour le patronat alors qu’un salarié sur trois s’est rendu compte d’une erreur sur sa feuille de paie lors de l’année passée (étude Ifop d’octobre 2015) !
De plus, il existe des risques réels de confidentialité avec la mise en ligne des bulletins de paie. Nombreux sont les exemples de fuites de données massives, parce qu’un serveur était mal protégé.
Que dit la CGT ?
La Cgt n’est pas opposée à une simplification du bulletin de paie mais elle est surtout très attentive aux droits des salariés. La CGT souhaitait une présentation du bulletin par organisme et non par risque. En effet, la Sécurité sociale est le socle de la protection sociale à laquelle tous les salariés peuvent prétendre. La construction de notre modèle social devrait donc apparaitre sur le bulletin de paie. Les modifications proposées ne faciliteront pas les ouvertures de droits et encore moins leur traçabilité comme par exemple pour la validation des congés maternité ou les droits découlant de la pénibilité du travail.
A la demande de la CGT, les exonérations de cotisations et contributions sociales apparaitront sur le bulletin de paie. C’est un bon début mais insuffisant. En effet, le CICE n’apparaitra pas alors qu’il constitue une exonération importante pour les entreprises.
Enfin, la CGT a réclamé un premier bilan qualitatif et transparent de la période d’expérimentation. Il faut effectivement tirer tous les enseignements de cette expérience avant la mise en place de la phase obligatoire. Cet état des lieux sera d’autant plus important que cette nouvelle fiche de paie s’ajustera avec le calendrier de la mise en place du prélèvement à la source.