Les mobilisations massives au Chili, en Iran, en Equateur, au Liban ou plus près de nous, en France, avec les Gilets jaunes ont pour point de départ commun le refus des hausses de prix des carburants et des transports en commun. Avec le logement et l’alimentation, les déplacements sont en effet un poste de dépenses important pour les ménages et il n’est donc pas étonnant que ce sujet soit particulièrement sensible en temps de crise économique.
Cela ne date pas d’hier, comme en témoigne cette carte-pétition acquise par l’Institut d’histoire sociale de la métallurgie pour intégrer les fonds d’archives. Parue durant l’été 1980, elle propose aux salariés et à la population de s’adresser au ministre des Transports dans les termes suivants : « Je soutiens l’action commune de Tourisme et Travail et de la CGT pour réduire le coût des vacances. Le total des taxes perçues par l’État sur les carburants est supérieur à la facture pétrolière. Les autoroutes ont été largement financées par les contribuables et tous les automobilistes. En conséquence, j’exige l’accès gratuit aux autoroutes pendant mes vacances, ainsi que l’attribution de bons d’essence, à tarif réduit pour les congés. »
Une brève plongée dans La Vie ouvrière du second semestre 1980 confirme que les salaires et le renchérissement permanent du coût de la vie sont au cœur des préoccupations syndicales. Ainsi, Raymond Barre, cumulativement premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement de Valéry Giscard-d’Estaing depuis 1976 annonce une vague d’augmentations dans les premiers jours de l’été : l’essence et le fuel prennent trois centimes au litre, le coût des péages d’autoroute grimpe de 8,5 %, celui de l’abonnement SNCF de 10 %, celui des tickets de métro de 17 %, tandis que le prix de vente des véhicules automobiles est renchéri de 5 % et le timbre poste de la bagatelle de 23 %… Cette déclaration intervient alors que le pouvoir d’achat a reculé pour toutes les catégories du salariat en 1979, selon une étude réalisée par l’INSEE et réévaluée par la CGT à partir de son propre indice des prix. Conséquence, le niveau d’occupation de l’hôtellerie accuse un net retard en 1979, tandis que le taux de départ en vacances des ouvriers recule une nouvelle fois pour la troisième année consécutive.
Une campagne de mobilisation est annoncée à l’occasion d’une conférence de presse de Georges Séguy, secrétaire général de la CGT au début du mois de juillet. La carte-pétition, mettant en scène deux gangsters – les péages et les pompes à essence – braquant une famille dans une ambiance très Far West, affiche les logos de l’association Tourisme et Travail et de la CGT. À ce sujet, on peut s’étonner que l’association de consommateurs, INDECOSA-CGT, créée en octobre 1979, n’ai pas été intégrée à cette campagne.
Les premières diffusions ont lieu, toujours selon La Vie ouvrière, auprès des automobilistes au Pont de Tancarville en Seine-Maritime, au péage de Fleury-en-Bière sur l’A 6, au pont de Saint-Cloud et au péage de Mantes-la-Jolie sur l’A 13. Mais l’absence de mention ultérieure de cette campagne dans la presse syndicale ne permet pas dire davantage. Peut-être qu’une visite dans les fonds d’archives du ministère des Transports permettrait d’en savoir davantage !