Le gouvernement est décidément friand de récupération politique. Dans son discours du 11 décembre dernier, le Premier ministre inscrivait ainsi le projet gouvernemental sur les retraites dans la logique du programme du Conseil national de la Résistance, adopté le 15 mars 1944 sous le titre « Les Jours heureux ». La ficelle, bien qu’un peu grosse, a malgré tout été recyclée par E. Macron lors de son allocution télévisée du 13 avril dernier, durant laquelle il a fait part de sa conviction : « Nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les jours heureux. » Mais de quoi parlons-nous exactement ?

Le Conseil national de la Résistance

Dans un France scindée en deux, occupée par les forces nazies et dirigée par le régime collaborationniste de Vichy depuis juin 1940, les réseaux et groupes résistants sont peu structurés et peu coordonnées, à l’exception des organisations communistes. En 1942, Jean Moulin, ancien préfet, est délégué par le général de Gaulle pour unifier les différents mouvements de résistance. Après plusieurs mois de travail clandestin, une première réunion est tenue rue du Four à Paris le 27 mai 1943. Désormais, il n’y a plus des résistances, mais « la Résistance ». Un programme commun aux différentes forces politiques et syndicales est élaboré en moins d’un an en dépit des obstacles. Fruit d’un compromis, « Les Jours heureux » prévoient un plan d’action immédiate de libération du territoire et des mesures économiques et sociales pour assurer le redressement et garantir l’indépendance nationales. On y retrouve notamment « la liberté de la presse, […] son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères », « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale », « une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général », « le retour à la nation des grands moyens de production », « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».

Appliquer le programme

Si l’écriture de ce programme a été une prouesse, sa mise en œuvre a relevé de l’épreuve de forces. La libération du territoire obtenue, les tentations sont fortes d’amoindrir la portée des mesures prévues par « Les Jours heureux ». Ainsi, le plan de sécurité sociale se heurte aux oppositions conjuguées de la mutualité et du patronat. Les nationalisations ne concernent finalement pas tous les « grands moyens de production ». La chimie et la sidérurgie y échappent, tout comme les grandes banques d’affaires et l’automobile, à l’exception de Renault, tandis que les statuts de ces entreprises nationalisées et de leurs salariés restent très différents. La « démocratie économique et sociale », envisagée a minima par l’ordonnance de février 1945 sur les comités d’entreprise, est finalement étendue par la loi d’avril 1946, sans pour autant accorder de droit de véto aux élus des salariés.

Avec ses cinq millions d’adhérents d’alors, la CGT a mis tout son poids pour obtenir l’application des mesures issues du Conseil national de la Résistance. Nous en mesurons chaque jour, aujourd’hui encore, les bienfaits, en dépit des attaques qu’elles ont subies par le patronat et les gouvernements successifs. Alors dénonçons le cynisme du tandem Macron-Philippe qui privatise Aéroport de Paris, démantèle le statut des cheminots, liquide les institutions représentatives du personnel, démolit les retraites par répartition, ne nous laissons pas déposséder de nos « Jours heureux » !