La Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie n’a pas toujours eu son siège à Montreuil. Elle occupait précédemment un immeuble dans le VIIIe arrondissement à Paris, au 10 rue de Vézelay. Situé à quelques pas du parc Monceau, cette adresse a été acquise aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis la réunification des Fédérations CGT et CGTU de la métallurgie lors du congrès de novembre 1936, le siège fédéral était fixé au 211-213 rue Lafayette à Paris (10e arrondissement). Cette adresse avait été acquise aux lendemains de la Première Guerre mondiale pour accueillir le siège de la confédération, ainsi que de plusieurs fédérations, dont celle de la métallurgie.
L’afflux de syndiqués – près d’un million en 1946 ! – incite la direction fédérale à acquérir son propre siège, pour disposer de locaux adaptés à son niveau d’activité. Les archives restent toutefois muettes sur les raisons qui motivent le choix de cet arrondissement chic et de cet immeuble en particulier. L’acquisition, pour 13 millions de francs, est réalisée le 1er octobre 1947 par Louis Gatignon, dont le nom a été donné au centre de rééducation professionnelle installé à Vouzeron, dans le Cher. Cet ajusteur-mécanicien a été durant l’entre-deux-guerres une figure locale du syndicalisme unitaire et du parti communiste natif du département. Résistant, interné puis évadé, arrêté dans son activité clandestine, il est élu au poste de trésorier de la Fédération à la Libération.
Le 10 rue de Vézelay
Sur une parcelle de 500 mètres carrés s’élève un bâtiment sur rue de 261 m2, élevé sur cave, avec un rez-de-chaussée, quatre étage et un cinquième mansardé ; un bâtiment sur cour de 70 m2 et un appentis de 57 m2. Le total fait donc environ 490 m2.
L’immeuble, dont la construction remonte au dernier quart du XIXe siècle, est vendu par Marie Charneau, veuve Martin-Lavallée, dont l’époux décédé en 1946 était conservateur à l’école des Beaux-arts de Paris. Le grand-père de ce dernier, l’homme d’affaires Alphonse Martin-Lavallée est le fondateur de l’École centrale des arts et manufactures. Marie Charneau a hérité en 1916 de sa mère, Amélie Elambert, épouse de Léon Charneau, notaire à Reims. Amélie Elambert avait acquis l’immeuble en mai 1896 suite à une vente aux enchères organisée par les ayant-droits d’Honoré Chancel, industriel, député des Hautes-Alpes et maire de Briançon, jusqu’alors propriétaire du 10 rue de Vézelay.
Prendre possession des lieux
L’immeuble a tout d’abord été loué par Marie Charneau à la Société des Chaudronneries du Nord, anciens établissements Charles Cordonnier et Cie, d’avril 1919 à octobre 1924. Il est ensuite devenu le siège de la Compagnie française des forces motrices de la Vienne. Cette entreprise, qui exploite les barrages hydroélectriques de l’Isle Jourdain et de Jousseaux dans la Vienne, a été nationalisée à la Libération et absorbée par Électricité de France (EdF).
La Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie n’a pu s’installer dans ses locaux que le 31 mars 1949, dix-sept mois après avoir son acquisition. La libération des lieux a été plus longue que prévue. En effet, EdF s’est heurté à une pénurie de locaux aggravée par la réquisition de son immeuble de l’avenue de Messine dans le même arrondissement par le ministère de l’Intérieur. À cela s’est ajoutée une difficulté supplémentaire née du statut de la société Chaux. Cette filiale de la Compagnie française des forces motrices de la Vienne, hébergée au 10 rue de Vézelay, n’était pas comprise dans la nationalisation et a tardé à quitter ses locaux. L’intervention de Marcel Paul, secrétaire général de la Fédération CGT de l’Énergie et ancien ministre de la Production industrielle, auprès de la direction d’EdF, ainsi que celle de Julien Racamond, secrétaire de la CGT, au ministre de l’Industrie et du Commerce, ont sans doute contribué à aplanir les difficultés.
Quitter les lieux
Le comité exécutif de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie acte, le 14 janvier 1978, le principe de la vente du 10 rue de Vézelay. Il s’agit de l’aboutissement de la réflexion lancée en 1965 sur l’inadaptation, l’étroitesse et la dispersion des locaux syndicaux, les problèmes de stationnements et de transports, la concentration des sièges sociaux des groupes industriels et commerciaux. Envisagée un temps, la construction d’un nouveau siège au 94 rue Jean-Pierre Timbaud à Paris (XIe arr.) est finalement abandonnée en décembre 1973 au profit du projet de complexe intersyndical à la porte de Montreuil, dont nous avons relaté l’histoire dans les Cahiers d’histoire de la métallurgie de mars 2017. Le 7 juin 1982, le Bureau fédéral décide à l’unanimité la vente, pour 18,2 millions de francs à un groupe de gestion immobilière qui envisage de louer les locaux… à EdF !