Henri Tronchon a été permanent à la Fédération de juillet 1968 à novembre 1979.

La fédération, pour bon nombre de militants, c’était : un numéro de téléphone, « LABorde 92 40 » ; un lieu, le « 10 rue de Vézelay dans le huitième arrondissement de Paris » ; deux stations de métro, « Villiers et Miromesnil » et enfin des voisins : en face, au numéro 5, une vieille baronne, plus loin, au numéro 18, le siège de l’Union nationale des combattants (UNC) où un portrait de Philippe Pétain a longtemps été visible et enfin un bar, le Cannes-Madrid.

Je vous propose de découvrir maintenant le bâtiment, étage par étage, avec ses secteurs et ses services.

Au rez-de-chaussée, l’accès se faisait en poussant le bouton d’appel. L’ouverture de la porte renforcée était assurée, grâce à une commande électrique, par Mimi Virlouvet. Cerbère militante chevronnée, Mimi était accueillante, bienveillante et s’occupait de la réception ainsi que de la téléphonie fédérale. Côté cour, le service courrier-expédition assurait l’envoi du matériel de propagande, des cartes d’adhérents et des timbres syndicaux. Cette petite usine fonctionnait avec du matériel et de la main-d’œuvre, parmi laquelle Robert Masson, Suzanne et Fernand Moreau. Au fond de la cour, on trouvait la mini-imprimerie avec Raymond Breton et deux autres camarades et en face, un espace repas-cantine.

Au sous-sol, la direction fédérale avec décider de faire cimenter les caves afin de pouvoir entreposer les cartons d’archives.

Au 1er étage,  les bureaux étaient dédiés à l’activité en direction des catégories : les jeunes, les femmes, les immigrés, les employés, les ingénieurs, cadres et techniciens, sans oublier les retraités. Dans ces bureaux ont défilé de nombreux jeunes, parmi lesquels Nicole Maille, Alphonse Véronèse, André Sainjon. Cet étage était le refuge de Jules Daumur avec son humour froid, ses plaisanteries, sa gentillesse. On y trouvait également Roger Vayne pour les « mensuels » devenus par la suite les employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise (ETDA) puis l’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens (UFICT) avec Pierre Louis Marger, Michel Dauba et  Pierre Isabey. Enfin, Ange Gomez assurait l’activité en direction de la main-d’œuvre immigrée, la « MOI » et Annie Sebille celle en direction de la main-d’œuvre féminine, la « MOF ».

Le 2e étage était un lieu de réflexions, d’échanges, de présentation de rapports, puisque l’on y trouvait le secrétaire général, Jean Breteau et son secrétaire général adjoint, Lucien Chavrot. Le bureau de Jean Breteau permettait différentes utilisations. C’était la salle de réunion du bureau fédéral et celle de réception des délégations étrangères accueillies par Jacques Trégaro. C’était un lieu de travail personnel et collectif, mais aussi un endroit de détente durant la pause de midi. Les camarades qui faisaient « carême » jouaient régulièrement aux cartes, à la canasta. Ces parties mobilisaient Jean Breteau, Armand Semrani, Jo Biglione, Jean Labourdette. Autant vous dire qu’il ne fallait surtout pas les déranger à ce moment-là !

Jean Breteau était très méticuleux, il aimait l’ordre et le rangement, sur son bureau comme sur les cadres aux murs. Un jeu consistait pour nous à déranger discrètement les choses et à observer ensuite les repositionnements mesurés de Jean.

Lucien Chavrot, installé dans le bureau en face, assurait la direction fédérale lors des missions internationales de Jean Breteau à l’Union Internationale des Syndicats de la métallurgie (UIS-Métaux). Cela s’ajoutait à ces deux autres responsabilités, qui consistaient à diriger le collectif des catégories et le collectif des branches d’industries, avec l’aide de Jean Desmaison.

Au même étage, on trouvait également Henri Beaumont, puis Aimé Halbeher, responsable de la branche automobile ; Armand Semrani pour les industries mécanique ; Guy Valli pour la sidérurgie ; Jo Biglione pour l’aérospatiale ; Sébastien Fossati pour la construction et la réparation navale : Jacques Veicle pour la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie ou encore Bernard Lemerlus. La densité humaine militante était importante !

Le 3e étage était occupé par le secteur « Organisation », placé sous la responsabilité de Monique Paris, puis d’Henri Tronchon qui, après le départ à la retraite de Jules Daumur, assura également la conduite des activités financières et de l’administration. Le secteur bénéficiait du concours de Serge Bieliaeff et d’Hilaire Munoz. On trouvait également à cet étage la comptabilité. Elle était assurée par Pedro, qui militait aussi pour la liberté et la fin de la dictature en Espagne. Il a été ensuite remplacé par Jacques Moreau pour assurer le suivi de la comptabilité et des finances. L’administration générale était prise en charge par Pierre Lassère, en particulier le suivi du projet de nouveau siège fédéral au 94 rue Jean-Pierre Timbaud puis à porte de Montreuil.

À cet étage, on trouvait enfin le pool juridique placé sous la responsabilité de Jean Labourdette, assisté par Andrée Chauve, l’épouse de Marcel Bras, ainsi que par les avocats Henri Ducros et Jacques Grinsnir.

Le 4e étage était dédié au secteur « Propagande », conduit par Lucien Postel avec le concours de Jean-Paul Desmet et de Charle Gaugne, pour la réalisation de l’ensemble des publications fédérales : le Courrier fédéral, L’Union des Métaux, le Guide du militant de la métallurgie, La Vie syndicale à l’entreprise, ainsi que l’édition Métaux de la Vie Ouvrière. Nelly Sturm, compagne de Marcel Dufriche, œuvrait aux bonnes relations avec l’IG Metall d’Allemagne de l’Ouest, en assurant notamment la parution du Courrier fédéral en langue allemande.

On trouvait également à cet étage le secteur de la formation syndicale avec Jean Hodebourg, Jean Poyart et Jean Gleba, notamment pour la formation des membres des comités d’hygiène et de sécurité. Enfin, cet étage était celui de la grande salle de réunion du comité exécutif fédéral, baptisée CEF, la salle Fuzelier. De ce camarade on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il était membre du Syndicat local des métaux de Joigny (Ardennes) et qu’il était membre avant-guerre de la commission exécutive fédérale.

Le 5e étage servait par le passé de logements pour les permanents de province qui arrivaient à Paris, avant d’accueillir l’activité de « Documentation fédérale ». Chaque matin, Henri Hoffman et Maurice Passard dépouillaient la presse nationale et réalisaient la revue de presse fédérale, dont le principe a ensuite été repris par la confédération. Maurice Passard s’occupait également des biographies.

Il faut indiquer qu’à chaque étage, les différents secteurs et services disposaient d’équipes techniques appropriées et de secrétariats administratifs.

Quelques petites anecdotes, pour finir. Chaque camarade apportait son repas pour le midi. Pour favoriser la convivialité et la confection culinaire, la direction fédérale a décidé de bâtir dans la cour une petite cantine. Les permanents ont acheté le matériel et construit eux-mêmes le bâtiment !

Un jour, en pleine réunion du bureau fédéral, Paulette Renaud en colère entre en trombe et s’écrit : « il y en a marre que chaque jour on mange mes yaourts placés dans le réfrigérateur à la cantine ! » Confus, Alphonse Véronèse s’excuse et indique : « Je croyais que c’était ceux du collectif fédéral ! » L’affaire s’est terminée dans une franche rigolade.

Je souhaiterai enfin faire un clin d’œil au côté coquin et chahuteur d’Henri Beaumont qui nous attendait à la fenêtre de son bureau lorsque nous revenions de boire le café au Cannes-Madrid. Il nous arrosait par surprise, avec « une main de maître » comme il le disait. Une fois, cela a produit une bagarre générale d’arrosage à tous les étages. Résultat, une réunion générale avec un Jean Breteau en pétard et une opération nettoyage de la fédération, tout un samedi. L’ambiance était sympathique… c’était après mai-juin 1968 !