En cette période de crise sanitaire, le télétravail est devenu la règle pour environ 5 millions de salariés depuis le 17 mars 2020, date du début du confinement, et se poursuit même depuis le début du déconfinement le 11 mai 2020. Dans ce contexte particulier, il doit être la règle pour tous les salariés dont le poste est compatible avec ce mode d’organisation du travail.

  • Ce qu’il faut retenir : La présomption d’imputabilité au travail d’un fait accidentel survenu en temps et au lieu de travail

Le télétravailleur est salarié de l’entreprise qui l’emploie. Comme les travailleurs sur site, Il bénéficie des dispositions relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles.

L’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale définit « l’accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. ».

Depuis les ordonnances Macron de 2017 et la loi de ratification du 29 mars 2018, la présomption d’imputabilité a été adaptée au télétravail par L’article L 1229-9 du Code du travail qui dispose que « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens de l’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale ».

La présomption c’est quoi ?

Un accident sur le lieu de télétravail pendant les heures de travail habituelles, ou juste avant ou juste après, et pendant les pauses, selon la jurisprudence, est un accident du travail.

Si l’employeur le conteste, le salarié doit rapporter la preuve que le fait accidentel est survenu en temps et au lieu de travail mais ce sera à l’employeur de prouver, par exemple, que l’infarctus sur le temps et au lieu de travail a une cause totalement étrangère au travail.[1]

L’employeur devra renverser la présomption en démontrant que le salarié n’était pas sous son autorité, qu’il avait par exemple quitté temporairement son poste pour vaquer à des occupations personnelles.

Comment le salarié peut-il prouver l’accident du travail ?

La cour de cassation considère qu’il « appartient à celui qui prétend avoir été victime d’un accident du travail d’établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel »[2].

La preuve peut être rapportée par tous moyens.

Si des horaires sont fixés par l’employeur, le salarié pourra distinguer le temps de travail du temps consacré à sa vie personnelle.

Mais dans le cas des salariés au forfait jours ?

Un accord collectif sur le télétravail, davantage qu’une charte déterminée unilatéralement par l’employeur, devra fixer les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail et déterminer les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.

Le salarié pourra ainsi faire valoir d’autres éléments comme le système de contrôle du temps de travail, l’utilisation des moyens de communication professionnels au moment où est survenu l’accident (visio ou audio conférence, envoi d’un courriel, appel téléphonique).

Des témoins ? S’il n’y a que la famille, leur témoignage pourrait être remis en cause.

Quels faisceaux d’indices ?

Le salarié doit déclarer l’heure de survenance de l’accident. Ainsi, l’heure d’appel des pompiers ou du Samu et leur prise en charge est donc un élément de preuve.

Le certificat médical initial du jour même de l’accident en constitue un autre. C’est le professionnel de santé qui doit constater la lésion d’ordre physique ou psychologique.

Le lien entre la nature de la lésion et l’activité du salarié est nécessaire.

Une charge de travail accrue, ou l’isolement du salarié, pourraient ne pas être étrangers à la survenance d’un accident du travail par exemple.

Ainsi, est un accident du travail, un accident survenu un jour ouvrable, à une heure normale de travail et en un lieu justifié par l’activité professionnelle du salarié, et ce alors qu’il travaille en permanence à son domicile (Cass. Soc. n° 94.12208 du 11 avril 1996).

La responsabilité de l’employeur peut être engagée

Le travail à distance imposé par les employeurs dans le cadre de la crise sanitaire a été mis en place sans aucune préparation pour la majorité des salariés.

Cependant, du fait de son obligation générale de préservation de la santé et de la sécurité des salariés, l’employeur est tenu d’évaluer les risques du télétravail et de mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées. [3]

Ceci en concertation avec le CSE s’il existe et transcrites dans le document unique d’évaluation des risques (DUER).

L’employeur est tenu de veiller à la conformité des installations électriques et des lieux de travail. Il pourrait par exemple missionner une entreprise spécialisée pour vérifier cette conformité au domicile du salarié.

Ainsi, même si les ordonnances Macron ont sensiblement assoupli les règles du télétravail, c’est à l’employeur de quantifier la charge de travail du salarié en télétravail, de lui faire respecter les règles relatives aux durées maximales de travail et de durées minimales de repos ou aux temps de déconnexion (en particulier pour les salariés au forfait jours).

L’employeur devra donc mettre en place des entretiens de suivi du télétravail et s’assurer du maintien du collectif en organisant des rencontres virtuelles collectives et d’autres mesures pour éviter l’isolement, sauf à se voir reconnaître coupable d’une faute inexcusable en cas d’accident du travail avéré, lié en particulier à des risques psychosociaux (RPS).

Les employeurs doivent donc penser à la santé de leur travailleur avant d’envisager le télétravail comme un moyen de faire des économies structurelles.


[1] Cass. 2° civ. N° 07-19036 du 2 octobre 2008

[2] Cass. Soc. n° 92-10106 du 26 mai 1994

[3] Article L 4121-1 et suivants du code du travail