Le 19 septembre dernier l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et le Défenseur des droits, à l’occasion du 12e baromètre(1) des discriminations dans l’emploi, rendait les résultats de son enquête. Sans surprise pour nous il en ressort que la discrimination syndicale est une pratique généralisée par les employeurs dans les entreprises françaises, on parle désormais de discrimination systémique.
Quelques chiffres
Près d’une personne sur deux (46%) estime avoir été discriminée toutes organisations syndicales confondues : cette discrimination pour 51% se traduit par un ralentissement voire un blocage dans son évolution promotionnelle de carrière. Plus de quatre personnes sur dix (43%) estiment qu’exercer une activité syndicale a entraîné une dégradation des relations avec sa hiérarchie. Cette perception de la discrimination syndicale vient en tout point corroborer les résultats de nos actions judiciaires depuis plus de vingt ans dans la métallurgie et au-delà. Ces actions portées devant la juridiction prud’homale visant une réparation intégrale des préjudices se sont multipliées avec succès au cours du temps. Nous regrettons toutefois que les fauteurs de trouble au comportement délictueux ne soient qu’exceptionnellement sanctionnés pénalement.
Se syndiquer, un droit
Discriminer est un délit, la discrimination syndicale n’est qu’un aspect, une forme de la répression syndicale qui s’abat massivement sur les militants de notre organisation. L’activité syndicale est de droit, elle est légale, y contrevenir constitue un délit. La loi protège celles et ceux qui s’engagent pour faire vivre et prospérer cette activité légale, citoyenne à la défense des intérêts collectifs de la profession qu’ils représentent. La discrimination ne tombe pas du ciel, elle est pensée, en pénalisant les militants dans leur évolution professionnelle, leur avancement de carrière avec les conséquences que l’on sait sur la rémunération. Elle vise au découragement des vocations. L’enquête révèle que ces mesures de rétorsion constituent le principal obstacle à l’adhésion et à l’engagement.
Une reconnaissance
Malgré tout, cette enquête est un motif de satisfaction. Tout d’abord, elle montre que le combat que nous portons dans notre Fédération depuis le début n’est pas vain et qu’il porte ses fruits. Pour s’en convaincre, il suffit de remonter le temps et se rappeler qu’il y a seulement un quart de siècle, le mot discrimination n’existait pas dans le paysage. La suite de succès engrangés en portant le combat de terrain a permis de faire bouger les lignes et a ouvert les portes à de notables avancées du droit, de la doctrine et de la jurisprudence. Cet effet boule de neige place sur le devant de la scène cette lutte constante qui a pris naissance dans notre Fédération. C’est en effet au milieu des années 90 qu’eurent lieu les premières condamnations d’employeurs et, par là même les premières réparations avec remise en état des militants de notre organisation ; chacun se souvient de l’affaire Peugeot. Que de chemin parcouru depuis. Il faut se souvenir que c’est dès le début qu’ont été mis au point les outils méthodologiques permettant d’établir et de révéler dans les faits la discrimination, mais aussi, d’évaluer les différentes formes de réparation. Il faut se rappeler aussi qu’aucun grand groupe de la métallurgie n’a échappé depuis à la condamnation…
Un point d’appui
La bonne nouvelle, c’est qu’avec le 12e baromètre venant renforcer notre arsenal, dans leur conclusion, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et le défenseur des droits n’hésitent pas à écrire : Plus largement, elle a donné lieu à la reconnaissance par la Cour de cassation de la méthode de preuve des discriminations dans la carrière par le recours aux panels de comparaison, dite méthode Clerc, qui permet de modéliser l’analyse des carrières et le calcul des dommages par l’analyse de la situation des salariés en situation comparable.» C’est ici une validation de notre méthode.
Après le rapport du Conseil Economique Social et environnemental (CESE) sur les discriminations syndicales en France, l’adoption par les inspecteurs du travail comme moyen d’enquête, le fait que l’ensemble des juridictions du fond s’y réfèrent, que la Cour de cassation l’ait entérinée, que le Défenseur des Droits, après en avoir fait usage dans de nombreux dossiers, vienne ici avec l’OIT valider notre moyen de démonstration et d’établissement des éléments de preuve, nous ouvre des horizons.
C’est d’autant plus important qu’avec les Actions de groupe que nous avons commencé à engager et qui vont se développer, nous en avons déjà fait l’expérience, l’essentiel des débats porte sur la concurrence des outils d’observation des évolutions de carrière patronaux et le nôtre…
Déjà, nous avons fait démonstration par déconstruction, que les dispositifs mis en place par les directions, loin de vouloir lutter contre les risques de discriminations, s’avèrent être des outils de camouflage de celle-ci. Pourquoi camoufler ?… si ce n’est pour tenter de continuer à en faire impunément ? C’est ce l’on appelle des outils de paraître agir qui sont illusoires et ne sont là que pour tenter d’organiser leur innocence, une entreprise de blanchiment de leurs pratiques. Il nous faut poursuivre notre mouvement, démonstration est faite que nous avons toujours eu raison de porter le combat et nous sentir confortés par le fait d’être rejoint dans notre combat par ces institutions de poids.