Depuis le début des années 1960, les luttes s’amplifient jusqu’à déboucher en mai-juin 1968 sur une vague inédite de grèves. Les salariées y participent de manière importante, notamment dans la métallurgie où elles sont 400 000. Et nombreuses sont celles qui rejoignent la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, dont les effectifs s’accroissent de 100 000 adhésions nouvelles.
Des conquis !
Les revendications des salariées sont absentes des points évoqués dans le constat de Grenelle des 25-27 mai 1968. Malgré cela, les succès sont au rendez-vous dans les entreprises, avec des revalorisations qui réduisent l’écart entre salaires masculins et féminins (Sochata à Chatellerault, Baco à Strasbourg ou Electrolux à Courbevoie) et des réductions du temps de travail, comme chez Elno à Argenteuil, où la semaine passe de 45 à 40 heures sans perte de salaires. Dans le groupe Air Liquide ou chez Lip à Besançon, la retraite à 60 ans est possible, tandis que des congés pour enfants malades sont gagnés chez Jouan à Massy ou à la SFENA de Courbevoie.
Au-delà, les attitudes changent dans les entreprises. Aux Fermetures Éclair, au Petit-Quevilly, la direction, qui pouvait affirmer – sans rire – « ne faites pas d’enfants, cela fera une revendication de moins », a du concéder un congé pour enfant malade, une augmentation des salaires, une réduction du temps de travail.
Transformer l’essai
Le bouillonnement de mai-juin ne s’essouffle pas immédiatement et la conflictualité reste forte. D’autres succès sont obtenus chez Jaeger à Levallois ou Pygmi-Radio à Saint-Denis sur les qualifications, sur les salaires chez ICE à Paris (12e arr.), Thomson à Gennevilliers ou à la CETH à Bezons. Les femmes enceintes obtiennent des entrées et sorties anticipées à la Polymécanique à Pantin ou chez Proteor à Dijon.
La revendication d’une indemnisation intégrale du congé maternité, dont la durée légale est de quatorze semaines depuis 1946, progresse. L’accord signé en novembre 1968 chez Berliet octroyant seize semaines avec paiement intégral des salaires accélère la campagne revendicative et fait boule de neige. Ainsi, en mai 1969, les salariées de la Compagnie française de télévision obtiennent quatorze semaines indemnisées intégralement, tout comme leurs homologues de l’Alsthom en novembre de la même année ou de Poclain à Verberie en 1971. Dans cette dernière entreprise, les mères isolées bénéficient même de dix-huit semaines à plein salaire, avec un rappel pour les naissances intervenues depuis 1961 !
Traduire en actes
Les victoires arrachées ça et là méritent d’être généralisées. La Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie élabore un projet d’avenant spécifique aux salariées de la métallurgie, reprenant les principales revendications : prise en compte de la qualification, des diplômes et de l’expérience ; développement de la formation professionnelle ; extension des droits de la femme enceinte ; préretraite à 60 ans. En avril 1970, l’Union des syndicats de la métallurgie de la région parisienne obtient l’ouverture d’une négociation, sur la base de son projet, avec le Groupement des Industries Métallurgiques (GIM-RP). Un accord, prévoyant des droits nouveaux en matière de maternité, est signé en novembre 1970, suivi le même mois par un avenant similaire obtenu par l’Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie d’Ille-et-Vilaine. Cette politique des « petits pas » doit permettre d’avancer dans l’obtention d’une convention collective nationale de la métallurgie, dont la lutte est réactivée durant le 27e congrès fédéral de février 1971.