Face aux diverses tentatives de réécriture de l’histoire pour la réhabilitation de Louis Renault, la Fédération CGT de la métallurgie et son Institut d’histoire sociale ont lancé un appel relayé lors d’une conférence de presse le mercredi 23 novembre dernier.

« Faut-il que l’histoire soit lourde à assumer pour que tant d’efforts soient déployés par certains pour en masquer les réalités les plus gênantes! » ainsi débutait l’éditorial de Louis Viannet, alors secrétaire confédéral de la CGT dans une brochure éditée en 1995 à l’occasion du 50e anniversaire de la nationalisation de Louis Renault. Un an auparavant, la direction de Renault avait tenté de réintroduire le portrait de Louis Renault dans la salle du Conseil d’administration. A cette époque de nombreux syndicalistes s’étaient mobilisés pour faire échec à cette tentative de réhabilitation de Louis Renault.

C’est un véritable bras de fer qui s’opère depuis la fin de la seconde guerre mondiale face à quelques individus qui souhaitent réécrire l’histoire. En effet, les héritiers, soutenus par quelques historiens et politiques, tentent régulièrement de revenir sur les activités de ce patron de l’industrie automobile française. La dernière offensive a eu lieu il y a quelques mois, après la condamnation du Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane en juillet 2010 à retirer une photographie montrant Louis Renault et Hitler en février 1939, pour illustrer la collaboration. Cette décision de justice a ouvert la porte à une nouvelle opération pour réhabiliter l’ancien patron de la marque au losange avec un reportage au journal de France 2 et un numéro du Monde magazine. La CGT métallurgie, avec le soutien du syndicat CGT des journalistes, s’était alors insurgée contre la présentation tronquée de l’histoire et avait demandé un droit de réponse qui est laissé lettre morte.

C’est dans ce contexte que la famille tente une nouvelle attaque procédurale très technique pour les non initiés. Pour la CGT, qui ne se laisse pas impressionner par cette énième tentative, il s’agit d’un dossier emblématique et souhaite ouvrir un large débat sur « ce que furent les années d’occupation pour Renault, les conséquences pour nos collègues, pour beaucoup aujourd’hui disparus » explique le syndicat CGT Renault. Il a d’ailleurs été rappelé lors de la conférence de presse organisée par la fédération et la coordination CGT Renault, plusieurs faits historiques précis, insistant sur l’importance de les restituer dans leur contexte.

Ces faits balayent, assurément, l’argumentaire familial qui met en avant la présomption d’innocence de Louis Renault, puisque celui-ci est décédé avant d’avoir été jugé. Pour l’avocat, Jean-Claude Teissonniere, ce serait effacer la collaboration et le rôle joué par les usines et Louis Renault lui-même pendant l’occupation. « Il faut rappeler que Louis Renault, exilé à New-York, a regagné la France pour mettre à disposition ses usines à l’occupant et fait accélérer la production de chars. » Il a également mentionné que ce n’était certainement pas par erreur que les alliés britanniques et américains avaient bombardés les sites du Mans et de Billancourt en 1942 en tant qu’objectifs stratégiques. A ce sujet, il a souligné que les usines avaient été reconstruites sur les fonds publics.

Ainsi, la nationalisation des usines Renault s’est réalisée au nom de l’effort de reconstruction du pays. De plus nombreux documents attestent que Louis Renault fut « un patron de combat vis-à-vis des libertés, de la dignité de ses salariés qui n’avaient à l’époque que le droit de travailler et de se taire ou de se faire licencier » dénonce le syndicat CGT Renault dans un tract distribué actuellement sur l’ensemble des sites.

En fait, au delà des arguments juridiques qui seront débattus le 14 décembre prochain au tribunal de Nanterre, la bataille est aujourd’hui de rappeler ou de porter à la connaissance des jeunes générations cette période de l’Histoire qui tente d’être effacée au profit du patronat. Ainsi, Fabien Gâche, délégué central chez Renault a souligné le rôle pédagogique du syndicat. « C’est important que la CGT s’exprime sur ce qui s’est passé et de prolonger le débat, de l’élargir […] alors que s’éteignent tous les jours des générations qui ont vécu la seconde guerre mondiale, leurs témoignages, leurs récits ne peuvent être jetés par dessus bord par un courant qui voudrait renvoyer dos à dos les victimes et les bourreaux.» De plus, le syndicat fait le parallèle entre la réhabilitation de Louis Renault et l’assaut patronal soutenu par le gouvernement actuel «pour en finir avec l’héritage social de l’après guerre au nom de la dictature internationale des marchés financiers ». Comment ne pas faire aussi le rapprochement «avec la dernière annonce du premier ministre Fillon qui compare le budget d’austérité 2012 avec celui de 1945 alors qu’à l’époque l’outil de production était au service d’un pays alors qu’aujourd’hui, il est au profit de quelques individus» a précisé Claude Ven, président de l’IHS métallurgie.

Parce que la réécriture de l’histoire participe à la volonté de rompre avec le modèle social français, la fédération et son institut d’Histoire Sociale ont décidé de constituer un comité national afin de veiller aux opérations de réhabilitation de Louis Renault. Celui-ci a lancé un appel pour appuyer et populariser ce combat .