Connaître la réalité des salaires, leur structure et leur évolution dans les entreprises est un enjeu essentiel de l’activité syndicale. Ainsi, les revendications sont plus précises et il est possible de comparer les situations entre les entreprises, les territoires ou les branches d’industrie. Ce sont autant d’arguments supplémentaires que l’on peut mobiliser lors des négociations avec les directions d’entreprises et les chambres patronales. Autant de bonnes raisons pour les métallurgistes de mener l’enquête sur les salaires !
Une enquête annuelle
L’initiative revient à l’Union Syndicale CGT de la métallurgie de la région parisienne. C’est en 1969 qu’elle publie les résultats de sa première enquête sur les salaires réels pratiqués. Le contexte est favorable, les grèves de mai-juin 1968 ayant permis d’obtenir d’importantes augmentations de salaires et l’ouverture de négociations sur les classifications. Initialement restreinte aux salaires ouvriers, l’enquête s’étend en 1970 à cinq catégories d’employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise (ETDA), puis aux ingénieurs et cadres en 1972. À cette date, l’enquête compile les données de 131 établissements occupant 200 000 salariés, soit près d’un tiers des métallurgistes de la région.
La Fédération déploie l’enquête au niveau national à l’occasion de son 28e congrès fédéral de Saint-Ouen en 1973. Les résultats paraissent dans le supplément « métallurgie » de La Vie ouvrière qui a publié chaque semaine, de sa création en 1969 à sa disparition en 1980, une rubrique reproduisant des grilles de salaires d’entreprises ou des résultats d’enquêtes partiels. En 1974, l’enquête s’informatise et le formidable réseau de collecte constitué par les syndicats et sections syndicales permet de connaître les grilles de salaires pratiquées pour 600 000 salariés, soit un quart des métallurgistes. Peu à peu, l’enquête s’étend aux branches rattachées, comme la bijouterie, l’horlogerie, l’orfèvrerie et les services de l’automobile. En 1986, l’enquête couvre 1,2 million de salariés et analyse l’intégralité des grilles salariales des ouvriers, des ETDA, des ingénieurs et cadres.
La série s’interrompt en 1997, deux dernières enquêtes sont menées en 2005 et 2006. Vingt années de casse industrielle, de plans massifs de licenciements, de recul de la syndicalisation et de généralisation de l’individualisation des salaires, expliquent l’abandon de cet outil.
Un outil pour la lutte
Connaître pour comparer, revendiquer et gagner ! Tel était le crédo de cette enquête unique par l’étendue de son champ d’étude (de un quart à un tiers du salariat de la métallurgie) et sa longévité (un quart de siècle). Ces deux caractéristiques en ont fait un outil précieux pour la lutte, car il a permis d’observer, dans la durée, les disparités salariales entre les catégories, les territoires, les branches d’industrie et même parfois au sein d’une même entreprise !
Grâce à cette enquête, la Fédération a pu contrecarrer les prétentions patronales, affiner son projet de grille de classification unique de l’ouvrier à l’ingénieur, ou encore appuyer les revendications salariales, comme « les 1 500 francs » arrachés en 1988 et 1989 par les salariés du groupe Snecma, aujourd’hui Safran, et chez Peugeot Sochaux et Mulhouse. À chaque nouveau millésime de l’enquête, la Fédération a organisé une conférence de presse durant laquelle, chiffres à l’appui, elle a pu montrer la réalité des salaires pratiqués en France dans les industries de la métallurgie. Une opération transparence qui n’a bien évidemment pas été du goût du patronat !