Le 14 juillet 1935, une foule immense défile dans l’unité pour porter le programme du Rassemblement populaire, cartel d’organisations syndicales, politiques et d’associations. Moins d’un an après, le Front populaire triomphe aux élections législatives et porte Léon Blum au pouvoir. Une vague de grèves et d’occupations appuie cette victoire. Parti le 11 mai 1936 de l’usine Bréguet, au Havre, elle s’étend à l’aéronautique, avant de toucher la métallurgie de la région parisienne et de se généraliser à l’ensemble du territoire et des professions.
Le 7 juin, les accords de Matignon sont signés. Ils prévoient notamment des hausses salariales, la généralisation des conventions collectives, les délégués du personnel. Dans la foulée, les lois sur les congés payés et la semaine de 40 heures sont votées. Après des décennies de répression patronale, pouvoir négocier des accords collectifs, élire des délégués et faire admettre le libre exercice du droit syndical n’est pas une mince victoire.
La syndicalisation explose. La Fédération des métaux passe ainsi de 40 000 adhérents en mars 1936 à 800 000 fin 1937. De son côté, les effectifs du syndicat des métaux de la Seine atteignent 230 000 membres contre 10 000 en 1935 !
Les années sombres
Mais le patronat redresse vite la tête, le gouvernement Blum écarté, tandis que s’accumulent les difficultés économiques et que se dégrade le contexte international. La situation bascule en novembre 1938, avec la parution de décrets-lois remettant en cause les conquêtes de juin 36. En réaction, une grève est appelée le 30 novembre. Très suivie dans l’industrie, faible dans le secteur public en raison des réquisitions, elle n’inverse pas la situation. Au contraire, la répression féroce sonne le glas de la puissance syndicale.
L’enthousiasme cède la place au désenchantement. Le pacte germano-soviétique d’août 1939 sème un peu plus le trouble et sert de prétexte à l’exclusion des militants communistes de la CGT en septembre, quelques jours après l’entrée en guerre de la France. Le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie lance son offensive et impose une déroute à l’armée française. L’armistice est signé le 22 juin. Le 11 juillet, « l’État français » est proclamé à Vichy. Ce régime autoritaire, dans lequel Philippe Pétain concentre tous les pouvoirs, prend des mesures antisémites, collabore avec le pouvoir nazi, dissous les organisations syndicales, interdit les grèves et instaure le syndicat unique, tandis que les arrestations et les procès des militants syndicaux et politiques s’accélèrent.
Résister
Affaibli, désorienté, le mouvement syndical n’abandonne pas pour autant pas la lutte. Si quelques dirigeants, comme Marcel Roy, secrétaire de la Fédération CGT des Métaux, s’engagent dans la collaboration, nombre poursuivent l’activité syndicale : graffitis, distribution de tracts et de La Vie ouvrière, création de comités populaires, pétition pour les salaires et les conditions de travail, prise de parole à la sortie des usines, et même organisation de grèves comme celle, héroïque, des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais en mai-juin 1941. Mais la répression féroce contraint à la clandestinité et entraîne la résistance armée à l’occupant : sabotages, attentats à la bombe ou encore exécutions de gradés allemands, comme en août 1941, par le métallo Pierre Georges – futur Colonel Fabien. En réponse, les nazis et le régime de Vichy exécutèrent plus de 800 d’otages, parmi lesquels Jean-Pierre Timbaud et Guy Môquet.
1943 est un tournant dans la guerre, avec le débarquement allié en Afrique du Nord et les victoires soviétiques à Stalingrad puis à Koursk. On commence alors à réfléchir à l’avenir. Les communistes réintègrent la CGT en avril, le Conseil national de la Résistance voit le jour en mai, suivi par la création de l’Assemblée consultative provisoire, le Parlement de la Résistance, en septembre. La suite, le mois prochain !