Depuis la création de la CGT, son rapport au politique est une question qui traverse toutes les époques. Son indépendance se pose et touche plusieurs éléments constitutifs de la société (politique, patronat, état, religions, philosophie, associations).
La Charte d’Amiens en 1906 marque à ce sujet les fondements de la conception de la CGT.
Ses lignes de force :
– La reconnaissance de la lutte de classes entre ouvriers et capitalistes.
– L’émancipation intégrale : notion de « double besogne » (mieux-être des travailleurs et transformation de la société).
– L’indépendance syndicale vis-à-vis des partis, des philosophies, des sectes, quel qu’ils soient.
– La liberté individuelle du syndiqué dans ses engagements à l’extérieur de l’organisation, mais avec la même réciprocité en retour dans le syndicat.
Elles se retrouvent aujourd’hui dans l’article 6 de ses statuts.
Article 6
La CGT se fonde sur l’indépendance de l’organisation à l’égard du patronat, des pouvoirs publics, des gouvernements, organisations politiques, philosophiques, religieuses et autres. Nul ne peut se servir de son titre de confédéré ou d’une fonction confédérale dans un acte politique ou électoral extérieur à l’organisation.
Le respect des diversités et du pluralisme d’opinion, la garantie que ses analyses, ses réflexions et ses décisions sont prises en son sein permettent à la CGT d’être libre et maître de son expression et de ses initiatives.Nos statuts portent l’affirmation claire de cette indépendance en lien avec des moyens d’actions, des orientations et notre conception de la société.
Article 1
La CGT est ouverte à tous les salariés, femmes et hommes, actifs, privés d’emploi et retraités, quels que soient leurs statuts social et professionnel, leur nationalité, leurs opinions politiques, philosophiques et religieuses.Son but est de défendre avec eux leurs droits et intérêts professionnels, moraux et matériels, sociaux et économiques, individuels et collectifs.
Prenant en compte l’antagonisme fondamental et les conflits d’intérêts entre salariés et patronat, entre besoins et profits, elle combat l’exploitation capitaliste et toutes les formes d’exploitation du salariat. C’est ce qui fonde son caractère de masse et de classe.
L’action syndicale revêtant des formes diverses pouvant aller jusqu’à la grève décidée par les salariés eux-mêmes, la CGT agit pour que le droit de grève, liberté fondamentale, ne soit pas remis en cause par quelque disposition que ce soit.
Elle agit pour un syndicalisme démocratique, unitaire et indépendant au service des revendications des salariés.
Elle contribue à la construction d’une société solidaire, démocratique, de justice, d’égalité et de liberté qui réponde aux besoins et à l’épanouissement individuel et collectif des hommes et des femmes.
Elle milite en faveur des droits de l’homme et de la paix.
Elle intervient sur les problèmes de société et d’environnement à partir des principes qu’elle affirme et de l’intérêt des salariés.
Elle agit pour ces objectifs en France, en Europe et dans le monde.
Les différentes facettes d’un même mot : politique
Le mot politique revêt toutefois plusieurs aspects différents: le politique, une politique et la politique. Il convient donc de savoir de quoi on parle et sur quoi on se détermine.
Il ne fait aucun doute que le syndicalisme est confronté en permanence avec la mise en œuvre de politiques et l’organisation de la vie publique.
Nous sommes liés aux décisions (décrets, ordonnances…) de l’Etat mais également aux lois votées (ou passées par le gouvernement à coup de 49-3…) par les élus de la nation. En toutes circonstances, nous intervenons, agissons, visons au rassemblement le plus large pour créer un rapport de force en faveur de nos propositions. L’année 2016 a été, de ce point de vue, révélatrice, avec le mouvement revendicatif national contre la loi El Khomri.
Nos actions, positions et propositions sont uniquement dictées par notre analyse des contenus des textes en lien à nos orientations et non par qui ou quel gouvernement ces textes sont proposés.
Notre rapport aux partis politiques
Encore une fois, il convient de revenir aux fondamentaux, dont nous venons de tracer le cheminement historique. Ils nous dictent que la CGT ne peut être neutre, « sans se laisser dominer par l’environnement »1 (pressions extérieures), dès que les intérêts des salariés sont en jeu.
D’autre part, la CGT porte toujours l’objectif de la transformation de la société. « C’est un choix assumé et sans ambiguïté d’être politisés et de peser sur les choix politiques, sur la base de nos repères revendicatifs et de nos orientations. »1 Parmi celles-ci nous avons un fil rouge, le progrès social, la paix, les libertés, la démocratie et un fil conducteur permanent : la démocratie syndicale.
Il est aussi indispensable de savoir d’où l’on vient. Derrière le sigle CGT, il s’agit, depuis plus d’un siècle, de l’engagement et la vie de millions de femmes et d’hommes qui ont toujours ambitionné le progrès social et la paix, dans une démarche de rassemblement de la classe ouvrière. Ainsi, on trouve toujours la CGT aux côtés des grandes causes comme la décolonisation (Indochine, Algérie…), pour la paix (Vietnam, Irak…), les mouvements de libération des peuples (Palestine, Afrique du Sud) et pour des sociétés démocratiques.Notre action pour l’émancipation des peuples dépasse les frontières.
Ces femmes et hommes de la CGT ont été un moteur déterminant de tous ces conquis qui fondent encore aujourd’hui nos garanties et droits sociaux que patronat et certain(e)s politiques veulent remettre en cause.
Notre rapport avec des organisations de la société ou des élus de la République est inévitable dans une démocratie. Les convergences d’actions sont possibles à partir du moment où nous maintenons notre autonomie de décision et d’action.
Période et contexte électoral politique
Dans une période électorale, nos relations ou nos positionnements vis-à-vis des partis politiques sont exacerbés. Dans ce contexte, il convient toujours de raisonner à partir de « nos propositions alternatives économiques et sociales en adéquation avec les exigences, les possibilités de notre époque et les aspirations des travailleurs, retraités, privés d’emplois »2.
Ainsi, il est intéressant de voir que certains des candidats sont en phases avec nos propositions. Mais ces convergences ne sont pas un soutien explicite de la CGT en termes de consigne ou préconisation de vote.
Nous réagissons aussi devant certains programmes de candidats qui entendent dégrader des conditions de vie et de travail déjà insupportables. Par leurs mesures, ils poursuivent le cap de l’enrichissement des plus riches par des coupes sombres sur l’emploi dans la fonction publique, l’augmentation du temps de travail, le recul de l’âge à la retraite, la déréglementation sociale, la condamnation de l’action syndicale, la réduction des budgets de santé et de l’éducation nationale, l’accroissement des budgets d’interventions militaires.
C’est tout ce que nous connaissons depuis des années et qui enfonce toujours davantage la société dans sa déliquescence, l’insécurité et les guerres.
La CGT ne peut pas rester sans voix face à tous ceux qui s’inscrivent dans la division des travailleurs du fait de leur statut, leur situation sociale, leur genre ou leur origine. Tout ce qui alimente la division, le racisme, la haine et l’exclusion est en opposition frontale avec nos valeurs humaines sociales et sociétales. Nous ne voulons pas de ce monde nauséabond.
Dans la mouvance de ces idées, se situe le FN avec des propositions qui se veulent anti-système et peuvent parfois s’apparenter aux nôtres. Mais il ne faut pas longtemps pour se rendre compte de la duplicité de ses discours et son rattachement clair à l’héritage de l’extrême droite française et européenne.
C’est un parti et des propositions totalement ancrés dans le système économique et social actuel en le portant dans sa forme la plus excessive et régressive. D’ailleurs un grand nombre des sympathisants du FN est issu des catégories les plus nanties.
Le populisme de leurs propos autour d’un nationalisme exacerbé vise à trouver un écho parmi celles et ceux qui sont frappés par la précarité, la misère et sont désenchantés par des politiques qui n’ont pas respecté leurs engagements.
Cela place notre syndicat devant une responsabilité particulière de débattre de ces questions en apportant lumières et arguments. Ne laissons pas la place à ces idées qui par nature sont aux antipodes de la transformation sociale à laquelle nous aspirons. Ils sont aussi des obstacles au rassemblement des salariés pour créer le rapport de force dont nous avons besoin.
Nous sommes clairs et sans détours, ces idées portées par ces individus ou partis n’ont pas de place dans la CGT car elles attisent les tensions, alimentent les divisions, l’exclusion, la peur, les haines et les guerres. Ce n’est pas de cette société-là que nous voulons.
Ce sont les raisons pour lesquelles « être candidat aux élections au nom d’un parti d’extrême droite est incompatible avec le fait d’être syndiqué à la CGT ( doc d’orientation 51e congrès confédéral – thème 3).
Voter est un droit conquis
Il est évident que l’image que renvoie la campagne électorale d’aujourd’hui, avec des candidats enlisés dans des affaires judiciaires, des engagements de prédécesseurs non tenus et des débats qui s’éloignent de véritables propositions favorisent l’abstention. Cela vaut aussi de la séquence des luttes de 2016 et le passage en force du gouvernement à coup de 49.3.
Pourtant le vote du peuple est un droit issu d’un long cheminement de luttes.
Voter reste un acte politique important. Nous devons se saisir de ce moment pour exprimer nos exigences. « Les exigences et les choix des peuples doivent être respectés »2 et « les salariées doivent être entendus lorsqu’ils se mobilisent » ( déclaration confédérale » la CGT vote pour le progrès social » du 24 mars 2017). Ensuite quels que soient les pouvoirs en place dans notre pays et dans le monde, nous lutterons toujours pour aller vers un progrès social qui ne laisse personne sur le bord de la route. « Nous refusons d’avoir le choix entre le pire et le moins pire. Nous voulons le meilleur »