Pas plus que les révolutions, les mouvements sociaux ne sont issus d’un plan précis, élaboré, au processus chronologique maîtrisé. La mobilisation, la révolte, surgissent toujours comme un fruit mûr qui soudain se décide à s’arracher de l’arbre. Nul n’avait anticipé l’ampleur des journées qui marquèrent notre histoire sociale, de la révolution de 1789 aux insurrections populaires de 1830 et 1848, de la Commune de Paris aux événements de 1968.

Il y a 150 ans, des femmes et des hommes ont posé les bases d’une république sociale. Durant près de huit semaines, dans un Paris encerclé par une armée étrangère, ils ont dessiné un autre avenir pour les peuples.

En 1870, Napoléon III est en difficulté. Répondant à la provocation du chancelier Bismarck, il déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet. En quelques semaines la défaite est consommée. Le 2 septembre, il est fait prisonnier à Sedan et capitule. Le 4, la République est proclamée. Mais les prussiens n’en n’ont pas terminé et le 19 septembre une armée de 180 000 hommes encercle Paris. C’est le début du premier siège de la capitale. La vie s’organise malgré la faim, les privations, le froid. Les parisiens refusant la défaite sont bombardés. Les défaites militaires et les nombreux échecs pour libérer Paris conduisent à la signature d’un armistice le 28 janvier 1871. En février des élections nationales, gagnées par les conservateurs et les monarchistes, placent Adolphe Thiers à la tête du pays. Réfugié à Versailles, son gouvernement entame des préliminaires de paix.

La France abandonne l’Alsace et la Moselle, s’engage à verser des dommages de guerre, à emprisonner les récalcitrants et livrer les canons à l’ennemi.

Après les journées insurrectionnelles réprimées dans le sang, vingt années d’un régime autoritaire et affairiste, les classes populaires chassées de Paris par les travaux du baron Hausmann, l’exploitation et la misère de la révolution industrielle, la défaite honteuse, la famine et la mort d’un siège horrible, les parisiens refusent de courber l’échine.

Le 18 mars, la population s’oppose à l’enlèvement des canons sur les hauteurs de Montmartre. Le 28, la Commune est déclarée. Dix commissions sont créées. Une société nouvelle voit le jour dans un Paris assiégé par les forces gouvernementales, dites « Versaillaises », sous le regard des armées prussiennes. Elles abolissent la conscription, déclarent la séparation de l’Église et de l’État, interdisent le travail de nuit dans les boulangeries, réquisitionnent les logements vacants, mettent un terme aux amendes, retenues sur salaires et cumul des traitements, instaurent l’enseignement laïque…

Pour Thiers, il n’est que temps de rétablir l’ordre. Le 21 mai, les troupes versaillaises entrent dans Paris. C’est le début de la « semaine sanglante ».

Des milliers de communards, hommes, femmes, enfants, sont fusillés sans jugement, 50 000 passeront devant un conseil de guerre. Condamnés à mort ou à la prison, 7 000 d’entre eux seront déportés en Nouvelle-Calédonie. On estimera à plus de 100 000, le nombre d’ouvriers manquants à Paris.

Noyé dans le sang, ce printemps social résonne encore aux quatre coins du monde.

Le communard Jean-Baptiste Clément, qui participa aux derniers combats, dédiera une de ses chansons à une « héroïne obscure », jeune ouvrière courageuse, « la vaillante citoyenne Louise » disparue après la prise de la dernière barricade le dimanche 28 mai 1871. « Le temps des cerises », reste le murmure d’une Commune toujours vivante.

« Quand vous en serez… »