Après avoir souffert de nombreuses années d’une crise économique et de politique d’austérité sévère, le Portugal affiche des données macroéconomiques à faire pâlir les grands pays de la zone euro. La croissance est au plus haut avec une hausse du PIB de 2,8% au premier trimestre 2017 et un taux de chômage qui continue progressivement de baisser à moins de 10%. Le déficit public est passé sous la barre des 2%, première fois depuis l’avènement de la démocratie en 1974, de quoi faire sortir le pays de procédure européenne de déficit excessif.

Fin de l’austérité
Pourtant, la récupération économique du pays ne s’est pas construite à l’appui des politiques classiques prônées par la Troïka, mais sur une plateforme politique de gauche alliant Parti Socialiste, Parti Communiste Portugais, Bloque de Gauche et les Verts. Ainsi, le gouvernement socialiste minoritaire du Premier Ministre M. Costa a été amené au pouvoir grâce à une alliance parlementaire anti-austérité, avec comme principe de donner du pouvoir d’achat aux portugais, en augmentant le salaire minimum (augmentation de 5% par an jusqu’en 2019) et les prestations sociales. Les privatisations ont été stoppées, notamment dans le secteur des transports, et les petites retraites ont été revalorisées.
« Le modèle économique que je veux construire ne peut pas être fondé sur les bas salaires et la lutte contre la précarité est la priorité absolue » affirme ainsi le Premier Ministre Portugais.
On est, aujourd’hui, bien loin de la situation du 17 mars 2011 où le Portugal a frôlé la faillite, étranglé par les contraintes budgétaires de l’Union Européenne, de déficits jugés élevés et de taux d’intérêts élevés. De quoi mettre un coup de pied dans la fourmilière comme l’indique le ministre de l’Economie « Nous avons l’occasion unique d’en finir avec la théorie selon laquelle l’Europe est condamnée à un avenir uniquement fait d’austérité. Le modèle portugais est exportable dans tout le continent ».

Une économie toujours en chantier
Depuis novembre 2015, la récupération économique du pays s’est pourtant construite à l’aune des contraintes politiques et économiques de Bruxelles et de la Zone euro et des conséquences des politiques d’austérité qui ont affaibli le pays et les travailleurs.
La relance interne a largement contribué à la relance économique, ne doit pas cacher que le travail à accomplir est encore énorme. Le salaire minimum est d’environ 600 euros par mois et la part des salaires dans le PIB n’a fait que baisser. Le pays souffre toujours d’un manque criant d’investissement, de dialogue social dans les branches et les entreprises sont au point mort avec un grand nombre de travailleurs sans couverture conventionnelle en raison de la mesure de caducité des accords à défaut de renouvellement.

Le rôle du syndicat CGTP-IN
Le changement d’orientation politique se produit sous la pression de l’alliance parlementaire anti-austérité qui contrôle le gouvernement minoritaire de M. Costa et surtout des mobilisations des travailleurs et des organisations syndicales qui maintiennent la pression et exigent un approfondissement et une accélération des politiques de redistribution des richesses.
La confédération CGTP-IN multiplie les initiatives et les mobilisations dont une nouvelle journée d’actions le 3 juin prochain avec des manifestations nationales à Lisbonne et à Porto. Les syndicats portugais revendiquent notamment l’augmentation générale des salaires, le rétablissement des conventions collectives (avec la fin de la caducité) et de la hiérarchie des normes, la diminution du temps de travail à 35h et la retraite à 65 ans pour tous (avec 40 années de cotisations). « La croissance de 2,8% du premier trimestre démontre que le dogme d’une politique économique basée sur la croissance des revenus (salaires, retraites, élimination des mesures fiscales qui affectent les travailleurs et les ménages) serait désastreux pour l’économie et l’emploi. Au contraire, la croissance basée sur la demande interne continue d’être le facteur déterminant qui contribue à assurer une meilleure condition de vie aux portugais et au fonctionnement des entreprises » indique la Commission Exécutive de la CGTP-In.