Aller à une formation c’est toujours une expérience, de quelques jours seulement, mais qui peut cependant laisser dans la mémoire de ceux qui y ont participé le souvenir d’heures exceptionnelles passées ensemble.
Aller au centre de formation Benoit Frachon à Courcelle, c’est l’occasion pour la plupart des syndiqués de vivre un peu. Loin du travail, des familles et des enfants, on peut enfin donner libre cours à nos envies d’indépendance, d’autogestion et, pourquoi pas, de se laisser aller un peu. Au travail on ne nous parle jamais de ça.

Une parenthèse enchantée
Vous venez de prendre le train et vous détestez ça. Si vous venez pour la première fois au centre Benoit Frachon, je suis à peu près sûr que vous allez vous perdre dans le labyrinthe des stations du métro parisien et vous faire bousculer par des gens trop pressés. Vous préférez de loin rester chez vous à regarder les passants derrière la vitre de la cuisine. Mais vous êtes parti.
Vous voilà entré dans le centre de formation CGT. C’est un territoire immense, au sud de Paris, dans la vallée de la Chevreuse. Imaginez ! Un lieu où des hommes et des femmes rêvent, quelques dizaines d’ouvriers, une poignée d’employés et des techniciens qui ont décidé à cette époque qui n’est justement pas n’importe laquelle, de consacrer du temps, de la réflexion et du travail, à faire en sorte que les utopies se réalisent. C’est autant de vies portées par la culture, bousculées par l’Histoire, portées par une envie de changement. Courcelle c’est des sensations, de l’émotion, des rêves, des fantasmes, des tragédies, des joies… Autant de vies, autant de d’histoires à écouter !

Courcelle, un lieu fraternel
Quatre espaces s’offrent à vous, comme les quatre points cardinaux : à l’Est, celui de vos premiers pas dans le centre avec l’accueil, le restaurant et les chambres ; au Nord celui de votre détente, le « Coinvial » avec le bar où on refait le monde ; à l’Ouest, les bâtiments pédagogiques dédiés à la formation (vous êtes venus avant tout pour ça) ; au Sud, la bibliothèque et la galerie des portraits pour imaginer, le parc pour méditer, la salle d’activités physiques pour suer et évacuer les excès.
Le centre Benoit Frachon a ses amis célèbres comme Alain, le directeur, Lionel, le responsable pédagogique et culturel, Rudy, le documentaliste et organisateur des cafés littéraires, mais surtout tous ces cœurs généreux qui le font vivre : les militants syndicaux qui viennent former d’autres camarades. Pourquoi aiment-ils revenir à Courcelle, Serge, Nadine, Franck, Hortensia, Vincent, Véronique, Frédéric, Odile, Daniel, Miguel, Giuseppe, Christian, Mariannick, Nathalie, Aurélie, François, Alain, ouvriers, employés, techniciens, cheminots, travailleurs de la fonction publique et du privé, stagiaires et formateurs ? Pourquoi une fois rentré à la maison on se met à parler du Centre ? Parce que tous nous avons aperçu simplement une petite flamme têtue, irréductible, narquoise, un petit feu fraternel et revendicatif.

Giuseppe, collectif formation syndicale


OUVRIERS SYNDICALISTES, dans le maquis, nous avons vécu une vie fraternelle avec des ingénieurs, des militaires, des intellectuels. Nous avons senti ce qui nous unissait et aussi ce qui nous séparait. Ensemble nous avons eu l’occasion et le temps de lire, de réfléchir et d’échanger des idées. Nous avons connu une culture qui nous a inspiré à la fois du désir et de la méfiance. Intellectuels et manuels, nous défendions les mêmes valeurs ; nous n’avions pas le même langage. Nous n’avions pas une culture commune. Pourtant, dans nos revendications, le droit au savoir est inséparable du droit au bien-être. Hier, dans les Collèges du travail, nous avons cherché à nous instruire et à nous former. Nous avons été déçus. Nous n’avons pas toujours trouvé la nourriture dont nous avions besoin. Aujourd’hui, dans les Bourses du travail, dans nos usines, avec l’aide de ces ingénieurs et de ces intellectuels que nous avons connus, nous nous préparons à être des délégués d’entreprise. L’éducation, nous le savons, est, après le pain, le premier besoin du peuple. Mais rien de ce qui existe – ni les cours publics, ni les cours postscolaires – ne correspond à nos aspirations. En étroite collaboration avec des instituteurs, des professeurs syndicalistes, nous reprendrons l’éducation ouvrière sur de nouvelles bases.
Extrait du manifeste de Peuple et Culture 1945