Un petit historique

Le télétravail fait l’objet d’un accord-cadre européen signé le 16 juillet 2002, transposé en France dans l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005.

La loi du 22 mars 2012 s’est largement inspirée de l’ANI pour encadrer le télétravail. Elle sera modifiée à son tour par l’ordonnance Macron 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, ratifiée par la loi du 29 mars 2018.

Définition

Le télétravail est ainsi légalement une forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication

Aujourd’hui, avec la crise sanitaire

Le « protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés », mis en ligne par le Ministère du Travail le 3 mai 2020 dit que « les mesures de protection collective comprennent en particulier les mesures organisationnelles, en premier lieu le télétravail, de nature à éviter le risque en supprimant les circonstances d’exposition, et qui doit être la règle chaque fois qu’il peut être mis en œuvre ».

Il est donc important que les salariés connaissent leurs droits en la matière.

Les mêmes droits et devoirs (L 1222-9 à L 1222-11 du code du travail)

Les salariés qui travaillent de chez eux conservent les droits et avantages qu’ils avaient en travaillant au sein des locaux de l’entreprise.

Par exemple, ils sont toujours bénéficiaires des tickets restaurant, des bons d’achats et des chèques vacances, le cas échéant.

Ils restent sous la subordination de l’employeur et doivent se conformer à ses instructions.

Si le salarié a un accident à domicile alors qu’il y exerce son activité professionnelle, il est présumé être un accident du travail prévu à l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale.

Ils bénéficient de garanties particulières précisées plus bas.

Comment le télétravail peut-il être mis en place ?

  • Par un accord d’entreprise qui prévoit ses conditions de mise en œuvre
  • Une charte établie par l’employeur, après avis du CSE le cas échéant
  • Un accord formalisé entre l’employeur et le salarié.

L’accord ou la charte doit préciser un certain nombre d’éléments (Cf. Article L 1222-9 CT).

  • Le télétravail ne peut être mis en place que selon le régime du volontariat,
  • Un refus du salarié n’est pas une cause de rupture du contrat de travail,
  • Le salarié handicapé ou proche aidant a un droit au télétravail si son emploi y est éligible, et  l’employeur doit motiver son refus (L 1222-9 CT),
  • L’employeur qui refuse le télétravail au salarié dont le poste est éligible (par accord d’entreprise ou par une charte) doit motiver son refus.

En revanche, l’article L 1222-11 du CT (modifié par les ordonnances de 2017) permet à l’employeur de le rendre obligatoire dans des cas exceptionnels comme une pandémie pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.

Il faut retenir que, dans ce cas, l’organisation du poste de travail constitue une modification des conditions de travail, à l’exception d’une modification d’ampleur des horaires, sous réserve de l’appréciation des tribunaux.

Ainsi le salarié ne peut pas refuser d’être placé en télétravail sous peine de sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

Quelles sont les obligations de l’employeur ? (L 1222-10 CT)

D’une manière générale, l’employeur doit prendre à sa charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail.

Il est de jurisprudence constante que le salarié est en droit de prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’aucun local professionnel n’est effectivement mis à sa disposition (de l’ordre de 10 € par jour de travail).

L’employeur doit donc :

  • Fournir le matériel nécessaire au salarié et un appui technique pour l’installation et l’utilisation des systèmes mis en place,
  • Prendre en charge les coûts de logiciels, d’abonnements, de systèmes de communication lui permettant de réaliser ses tâches et d’outils ainsi que la maintenance de ceux-ci,
  • Veiller au respect des repos quotidiens, hebdomadaire (droit à la déconnexion par accord d’entreprise – L 2242-17 CT ou par une charte de bonne conduite de l’employeur après avis du CSE).
  • Assurer un moyen fiable de décompte des heures supplémentaires, le cas échéant
  • Informer le salarié des restrictions éventuelles du matériel informatiques, logiciels et des sanctions éventuelles
  • Donner priorité au salarié qui souhaite reprendre un poste sans télétravail correspondant à ses qualifications et compétences professionnelles (hors état d’urgence sanitaire).
  • Informer le salarié de la disponibilité de tels postes.
  • Organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail

Quelles relations avec les IRP et les syndicats ?

Le télétravailleur doit avoir accès aux informations syndicales, participer aux élections professionnelles et accéder à la formation.

Le seul moyen c’est par l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. En clair, le salarié doit pouvoir accéder au serveur de l’entreprise et avoir accès au site dédié aux syndicats et aux informations du CSE, s’il existe.

En revanche, le syndicat ne pourra pas, sauf avec accord de l’employeur, lui envoyer des informations ou des tracts en direct sur sa messagerie s’il ne peut pas le faire habituellement envers les salariés intra entreprise.

En cette période de crise sanitaire, le télétravail a été rendu obligatoire lorsque l’emploi le permet pour réduire la propagation du virus.

Il a donc été imposé par les employeurs qui pour la plupart n’ont rien prévu en matière de conditions de travail.

Or, le télétravail n’est pas compatible avec un arrêt de travail ou du chômage partiel total.

Il s’agit d’une fraude qui contraindrait l’entreprise à rembourser les aides de l’état.

En revanche, le télétravail n’est pas incompatible avec le fait de garder ses enfants, en l’absence d’une autre alternative. Mais dans ce cas, il ne peut pas y avoir d’arrêt de travail car l’ordonnance gouvernementale donne la priorité au télétravail !

Ainsi, le salarié peut bénéficier d’un arrêt de travail pour garde d’enfant seulement si son emploi ne permet pas le télétravail.

Dans ces conditions, l’employeur doit :

  • Garantir une charge adaptée de travail en raison du confinement (à défaut, risque d’atteinte à la vie privée, à l’égalité avec les autres salariés, à la santé),
  • Prévenir l’isolement des télétravailleurs avec l’organisation de conférences téléphoniques, de visioconférences,
  • Fournir une assistance numérique au salarié.

Quand le Covid-19 sera passé, quand viendra le jour d’après, il sera nécessaire que le télétravail soit pris à bras le corps comme un sujet de négociation, un vrai sujet revendicatif et syndical dans toutes les entreprises. Il faut que les outils de travail soient pris en charge intégralement par l’employeur (ordinateur, téléphone, connexion, fauteuil et bureau ergonomique, logiciels…). L’articulation entre le temps de travail et le droit à la déconnexion doit être respectée. Cette séquence du télétravail en mode confiné et trop souvent dégradé, doit-être l’occasion de repenser le travail à distance autrement, d’adapter les objectifs de travail, les heures de travail…

Le caractère maltraitant que revêt le télétravail à temps plein en mode dégradé et improvisé nécessite d’obtenir les moyens de le sécuriser dans toutes ses dimensions. Il doit prendre en compte les contraintes d’environnement personnel et familial qu’un télétravail constant impose, au détriment de la qualité de vie et de la santé mentale. Le télétravail ne doit pas avoir été juste une manière de sauver les meubles. Pour aider à se saisir et comprendre ce sujet, l’Ugict-CGT a édité un guide : https://guideteletravail.fr/


Enquête de l’UGICT-CGT sur les conditions de travail depuis le 17 mars 2020

34000 réponses entre le 8 et le 14/4/20 de travailleurs mobilisés sur leur site (27 %), d’autres en télétravail (25 %), d’autres en chômage partiel (25 %) et d’autres en arrêt de travail, congés… (23 %).

Plus précisément sur les télétravailleurs qui ont répondu à l’enquête

38 % sont des cadres, 25 % des professions intermédiaires et 37 % des ouvriers/employés.

71 % sont dans le privé, 29 % étant des fonctionnaires ou agents publics

Pour 66 % d’entre eux, le télétravail est une nouveauté : Pour environ 70 % pour les employés et professions intermédiaires

Conclusions :

  • La quasi-totalité des parents d’enfants sont obligés de télétravailler en s’occupant de leurs enfants puisqu’ils sont exclus du droit à l’arrêt de travail pour garde d’enfants.
  • Double peine pour les femmes qui gardent leurs enfants : Ecole à la maison le jour, travail la nuit !
  • Peu d’employeurs ont décidé d’une baisse du temps de travail et de la charge de travail
  • Pour la majorité des salariés : pas de siège ergonomique, pas de prise en charge des frais de connexion ou de téléphone, voire pas d’ordinateur (pour 25 % des télétravailleurs interrogés, et 65 % des enseignants)
  • Pas de lieu spécifique pour travailler au calme (pour 77 %)
  • Horaire de travail et droit à la déconnexion non garantis (pour 78 %)
  • Certains vivent des formes de harcèlement et de surveillance continue : Risques psycho-sociaux, TMS et anxiété (pour 44 %)

La CGT exige la mise en place de négociations systématiques sur la reprise, le respect du code du travail et la négociation immédiate d’un accord télétravail mais aussi la mise en place d’un droit d’alerte suspensif pour les manageurs, la prise en charge à 100 % des rémunérations des parents qui devront garder leurs enfants après le 11 mai, date prévue du début du déconfinement.