1/ Quel est le cadre légal de cet accord ?

Cet accord s’inscrit dans le cadre de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos (JORF n°0074 du 26 mars 2020. L’ordonnance a été publiée après le vote par le Parlement de la loi instaurant l’état d’urgence sanitaire.

2/ Quand sera-t-il applicable ?

Pour les entreprises adhérentes à l’UIMM, l’accord sera applicable dès le lendemain de son dépôt auprès du Ministère du Travail soit le 22 avril 2020.

Pour les entreprises non syndiquées à l’UIMM, l’accord sera applicable au lendemain de son extension par le Ministère (date non connue et non estimable).

3/ Cet accord de branche est-il applicable directement ?

Depuis les ordonnances Macron, la hiérarchie des normes a disparu et désormais, sur bien des sujets, un accord de branche ne s’applique qu’à défaut d’accord d’entreprise conclu sur le même sujet. L’accord de branche est donc supplétif et peu importe ce que prévoit l’accord d’entreprise qui peut être plus favorable ou moins favorable que l’accord de branche.

L’accord conclu dans la branche incite les entreprises à privilégier la négociation à leur niveau mais ne peut les y contraindre. On peut donc s’attendre à ce que certains employeurs se contentent de l’accord de branche qui leur est particulièrement favorable et s’exonèrent d’engager des négociations avec les délégués syndicaux. Il nous faudra donc être vigilants là où nous sommes organisés pour que cette négociation puisse réellement avoir lieu et améliore considérablement ce que la branche a prévu.

4/ Que prévoit l’accord ?

L’accord permet aux employeurs de fixer ou modifier unilatéralement les dates de congés des salariés. L’employeur dispose de 6 jours ouvrables par salarié.

5/ Quels jours peuvent-être utilisés par l’employeur ?

L’accord établit une liste des jours utilisables unilatéralement par l’employeur selon l’ordre de priorité suivant :

  • Les jours de congés payés acquis au cours de la période précédente (entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019) ;
  • Les jours de congés conventionnels acquis (ex : les congés d’ancienneté) ;
  • Les congés payés acquis au cours de la dernière période d’acquisition (entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020), ce qui peut entraîner une prise de jours par anticipation.

6/ Dans quelle période l’employeur peut-il disposer des jours ?

L’employeur pourra disposer unilatéralement de ces 6 jours jusqu’au 31 octobre 2020. La date n’a pas été choisie par hasard puisqu’elle intègre la période des vacances de Toussaint, ce qui permet aux employeurs d’avoir aussi la main sur ce moment où les salariés pourraient avoir besoin de poser quelques jours de congés…

7/ Le salarié est-il informé de la fixation ou de la modification des dates de congés par l’employeur ?

Le délai de prévenance du salarié est différent selon la situation :

  • Pendant la période de confinement ce délai est d’au moins deux jours ouvrés
  • Hors période de confinement ce délai est d’au moins cinq jours ouvrés.

Les jours ouvrés correspondent aux jours normalement travaillés dans l’entreprise (généralement du lundi au vendredi). Ce sont des délais extrêmement courts susceptibles d’avoir des conséquences lourdes sur l’organisation de la vie personnelle (ex : familles monoparentales, garde des enfants…).

L’employeur doit informer individuellement chaque salarié concerné par tout moyen (ex : courriel, lettre recommandée, remise en mains propres contre décharge…).

8/ Les salariés pourront-ils être en congés durant la période estivale (juillet/août) ?

L’accord indique « l’employeur veille à favoriser la prise de congés payés pendant la période estivale afin d’assurer au salarié un droit à congés payés avec sa famille… ». Aucune garantie effective que le salarié pourra partir en juillet/août alors que plus encore cette année la coupure estivale sera la bienvenue et nécessaire pour recharger les batteries de salariés qui auront été soit enfermés plusieurs semaines, soit auront fait des heures supplémentaires en pagaille, ou auront été contraints d’aller travailler la peur au ventre pendant plusieurs longues semaines.

La seule obligation légale qui demeure c’est le droit à deux semaines consécutives entre le 1er mai et le…31 octobre.

La négociation d’entreprise est donc nécessaire pour obtenir le droit réel pour chaque salarié d’avoir des congés payés en juillet/août.

9/ Quelles conséquences en terme de fractionnement des congés (4 semaines du congé principal) ?

Si l’utilisation unilatérale des 6 jours ouvrables conduit à fractionner le congé principal (les 4 semaines), l’employeur n’a pas à obtenir l’accord du salarié. Ce fractionnement s’impose au salarié.

Le fractionnement de ce congé principal ouvrira droit à l’attribution de jours de fractionnement selon les règles légales ou celles qui existent éventuellement dans l’entreprise.


Concernant les règles légales du fractionnement (art. L3141-23).

A défaut d’accord d’entreprise, la fraction continue d’au moins 12 jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.

Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué selon les conditions suivantes :

·     les jours qui restent dus peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

·     2 jours ouvrables de congés supplémentaires sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre 3 et 5 jours. Les jours de congé principal dus au-delà de 24 jours ouvrables (5ème semaine notamment) ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément.

Il peut être dérogé à ces dispositions avec l’accord du salarié.


10/ L’employeur peut-il disposer de jours autres que les congés payés ?

Oui et pas besoin d’accord collectif de branche ou d’entreprise pour cela. L’ordonnance déjà citée ci-dessus permet à l’employeur de disposer unilatéralement :

  • Des jours RTT
  • Des jours de repos des salariés au forfait
  • Des droits affectés au compte épargne temps pour les utiliser comme jours de repos.

Ces jours de repos sont à sa disposition jusqu’au 31 décembre 2020.

ATTENTION : le total des jours de repos que l’employeur peut utiliser unilatéralement est de 10 jours au maximum (en plus des 6 jours ouvrables de congés payés). Un accord d’entreprise peut très bien réduire ce nombre de jours ainsi que la période où ils sont mobilisables

11/ Qu’en est-il de l’indemnisation du chômage partiel ?

Tout reste à gagner en la matière ! L’UIMM a refusé d’inscrire dans l’accord le principe d’une indemnisation à 100% des heures de chômage partiel subies par les salariés. Tout juste le patronat a-t-il consenti à inviter les entreprises à rechercher, bien sûr compte tenu de leurs possibilités économiques et financières, « une évolution des conditions d’indemnisation de l’activité partielle pour en atténuer ses impacts négatifs ».

 

C’est donc un sujet majeur non traité par la branche que nous devons absolument revendiquer dans les entreprises.

 

En complément de cet article, voir l’interview de Stéphane Flégeau, secrétaire nationale adjoint de la fédération qui revient sur la négociation de cet accord.