Si l’entreprise ne ferme pas, et que le télétravail est possible, l’employeur doit placer le salarié en télétravail pendant toute la durée du confinement. Son salaire est maintenu. Ainsi, l’employeur ne peut pas refuser le télétravail si celui-ci est possible et alors que cela est recommandé par le gouvernement. Cela pourrait caractériser un manquement à son obligation de sécurité car il expose le salarié à des risques de contagion qui pourraient être évités, surtout si celui-ci est vulnérable et /ou si les recommandations d’hygiène ne sont pas mises en œuvre. Par ailleurs, un système dérogatoire d’arrêt de travail a été mis en place pour les parents devant garder leur enfant de moins de 16 ans scolarisé dans un établissement fermé. C’est l’employeur qui fait la déclaration simplifiée pour le salarié sur le site amelie.fr. Elle n’est possible que si les salariés ne peuvent pas être placés en télétravail.
On arrive ainsi à une aberration qui consister à contraindre des salariés à télétravailler alors qu’ils doivent pourtant garder leurs enfants. Exit donc l’arrêt de travail pour garde d’enfants et bonjour la double journée de travail !
Double journée de travail
Ce point a notamment été soulevé par le Député André Chassaigne dans le cas de la RATP qui conditionne le bénéfice de l’arrêt de travail pour garde d’enfants au fait que l’emploi ne soit pas éligible au télétravail exceptionnel et que leur conjoint (e) n’ait pas la possibilité de télétravailler. Il estime que le but est de minimiser le temps consacré au télétravail et à la garde d’enfant et il fait justement remarquer qu’il est complexe, voire impossible de se plier aux deux exercices et que la garde d’enfants et le télétravail doivent être considérés comme deux emplois à part entière et distincts.
Des sanctions devraient donc, selon lui, être prises à l’égard des entreprises qui mettent en œuvre des conditions différentes que celles fixées par le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 qui stipule que « En application de l’article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, afin de limiter la propagation de l’épidémie de 2019-n-Cov, les assurés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de travailler peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières prévues aux articles L. 321-1, L. 622-1 du même code et L. 732-4 et L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime ».
S’il n’est pas totalement impossible de travailler avec ses enfants à la maison, cela demande des efforts considérables d’organisation et de concentration, sauf à travailler la nuit, et les salariés sont donc contraints à des conditions de travail dégradées et un risque évident d’épuisement tant professionnel que moral, sans compter les conséquences pour toute la famille.
Ce qui ressort également de l’intervention de M. Chassaigne, dont la réponse de M. Pénicaud sera sûrement savoureuse, comme le sont quelques-unes de ses interventions télévisées dernièrement, c’est le risque d’une remise en cause de la valeur du travail à distance et des droits qui y seraient liés. Il pourrait ainsi être considéré comme un sous-travail par rapport à celui réalisé intra-entreprise, auquel seraient rattachés des droits moindres tant en termes de congés payés, de durée du travail, de repos quotidien et hebdomadaire, voire de salaire. Et la première brèche ne vient-elle pas de l’ordonnance 2020/385 du 1er avril 2020 sur les modalités d’octroi de la prime « Macron » quand le texte prévoit qu’elle soit versée en fonction du travail du salarié durant la période d’urgence sanitaire et que soient exclus de son bénéfice les salariés non présents, et donc notamment ceux qui travaillent à distance ? Ainsi, après avoir imposé le télétravail lorsque l’emploi le permet pour limiter les risques de contamination du virus, le gouvernement vient créer une différence de traitement au sein d’une même entreprise entre les salariés qui ont poursuivi leur activité pendant la crise. Le danger de déviance ne serait-il pas de trouver cette différence normale du fait des risques accrus d’être contaminé encourus par les salariés venant à l’entreprise ? Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une prime de pouvoir d’achat et non d’une prime de risque que les employeurs auraient très bien pu mettre en œuvre.
Une ordonnance Macron de septembre 2017 a simplifié l’utilisation du télé-travail.
Il ne faudrait pas que la crise actuelle finisse par le rendre obligatoire à tout salarié dont le travail ne nécessite pas de déplacements réguliers en entreprise, et permettent ainsi aux entreprises de réduire ce qu’il considère comme un coût, la rémunération du travail.
Une chose est sûre, avec cette pandémie mondiale, plus rien ne sera jamais comme avant.
Il faudra veiller plus que jamais à ce que les droits des salariés ne subissent pas de sombres coups de rabot et redonner au travail toute sa valeur universelle qui, comme le dit Hegel, est de réaliser la liberté, la conscience et le progrès de l’humanité.