Auguste Parent, troisième du nom, voit le jour le 17 novembre 1931 au sein d’une vieille famille de Comines (Nord). Son père, Auguste Parent, participa à la Première Guerre mondiale et acheva sa carrière professionnelle comme contremaître teinturier dans le textile. Sa mère, Philomène, née Vandeale à Ypres (Belgique), tenait le café Le Beffroi sur la grande place de Comines. Après des études à l’externat de l’enfant Jésus, puis à l’externat Saint-Joseph, il obtient son certificat d’études. Il s’inscrit à l’école d’apprentissage de la centrale électrique EDF de Comines et obtient son certificat d’aptitudes professionnelles. À la Libération, il entre chez Lécluse à Comines, une entreprise de la métallurgie où son beau-frère est chef d’atelier. En 1952 et 1953, il effectue son service militaire comme parachutiste à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Affecté aux transmissions comme opérateur radio, il est alors caporal, avant d’être dégradé pour « mauvaise conduite ».
Il retrouve son emploi chez Lécluse, mais le salaire étant insuffisant, il effectue en 1955 un essai chez Massey-Ferguson. Il est embauché dans cette usine de Marquette-lez-Lille (Nord) qui construit des tracteurs (essentiellement des Pony), avant de se concentrer sur les moissonneuses-batteuses, les ramasseuses-presses, des cabines et autres pièces pour tracteurs. Il est vérificateur de pièces, dans une usine qui compte alors plus de 3 000 salariés et dont le site comprend une chaîne de production complète : fonderie, moulage des pièces, usinage, assemblage et montage. Seuls les moteurs étaient fabriqués ailleurs.
Sa première participation à une mobilisation est une grève du zèle en 1957, lancée par les 120 vérificateurs, pour dénoncer un contournement de la convention collective par la direction de l’usine pour réduire leurs salaires. Leur détermination ne faiblissant pas face aux menaces de la direction, ils obtiennent satisfaction de leur revendication. Mais Auguste Parent n’adhère pas pour autant à la CGT, laissant apparaître ses préférences pour De Gaulle. Ce qui n’empêche pas Philippe Renault, secrétaire CGT du comité d’entreprise, de lui proposer d’être candidat aux élections de délégués du personnel en juin 1959. Devenu technicien après plusieurs changements de qualification, il peut être présenté au second collège où il est élu suppléant. Il adhère à la CGT et, peu de temps après, le départ d’un délégué titulaire lui permet d’obtenir des heures de délégation et de participer aux réunions du bureau du syndicat CGT.
En septembre 1961, la direction annonce un vaste plan de 1 000 licenciements. La lutte, qui dure trois semaines, menée dans l’unité par la CGT et la CFTC, permet de sauver 700 emplois. Dans la foulée, la direction de l’usine est entièrement changée, de nouveaux cadres arrivent, venus de l’usine Simca de Poissy (Yvelines), connue pour ses rudes méthodes antisyndicales. Le syndicat CGT, concurrencé par un syndicat CFTC très dynamique, tient son congrès en février 1962. Une nouvelle direction, plus jeune, prend en main les destinées du syndicat, avec succès. En trois ans, le nombre de syndiqués passe de 400 à 1 300, soit 55 % de l’effectif de l’usine. Auguste Parent, en tant que secrétaire à l’organisation, pilote la décentralisation du syndicat, avec la création de huit sections syndicales d’ateliers, auxquelles s’ajoutent celle des employés, techniciens, dessinateurs, agents de maîtrise (ETDAM) à laquelle il appartient et plus tard celle des retraités. Il est également désigné représentant syndical au comité central d’entreprise, mandat qu’il assure jusqu’à la fermeture de l’usine.
En février 1963, à l’occasion du 23e congrès de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, il est élu au comité exécutif fédéral, dont il est membre jusqu’au 27e congrès fédéral, en février 1971. À ce titre, il anime plusieurs stages de formation syndicale à Courcelles et Strasbourg et participe à deux délégations internationales à Berlin et Moscou. De 1971 à 1976, il est membre de la commission fédérale financière de contrôle.
En 1966, il est élu secrétaire général du syndicat CGT Massey-Ferguson, qui compte alors 1 300 syndiqués sur 2 350 salariés. L’année suivante, la direction tente de le licencier mais elle doit reculer face à la mobilisation. Il obtient finalement sa réintégration.
En mai 1968, l’occupation de l’usine dure trois semaines. Elle débute le 20 mai, avec le débrayage de l’ensemble des salariés – y compris les employés – et le hissage de deux drapeaux rouges et d’un drapeau tricolore. Des banderoles sont également déployées : « Charlot des sous ! », « 1 000 francs par mois pour tous ! ». Un comité de grève, rassemblant syndiqués et non-syndiqués, est mis sur pied. Il en est l’un des responsables. Le syndicat CGT aide les autres entreprises alentours à s’organiser, en envoyant des délégués à chaque usine. La grève s’achève par la signature de trois accords.
En 1969, la direction prétexte des dégradations et des entraves à la liberté du travail pour licencier 22 salariés et 5 délégués, dont Auguste Parent. La mobilisation ne permet d’obtenir la réintégration que des délégués.
Au début des années 1970, afin d’assurer la promotion de jeunes cadres syndicaux, il quitte son mandat de secrétaire général du syndicat CGT Massey-Ferguson et recentre son activité sur son mandat d’élu délégué du personnel et comité d’entreprise et d’animateur de la section syndicale ETDAM.
Aux élections municipales de 1977, il est élu sur la liste d’union de gauche dirigée par Marcel Château pour Comines. Il assure, durant un mandat, les fonctions d’adjoint chargé de l’emploi, de la communication et de l’embauche du personnel. Deux ans plus tard, en 1979, il est élu secrétaire général de l’Union locale CGT de Comines, mandat qu’il assume jusqu’en 1984. En décembre 1980, il participe à la transformation de la section EDTAM en véritable syndicat UFICT Massey-Ferguson. Il en est élu secrétaire général, puis réélu lors du deuxième congrès en décembre 1982.
En 1978, Massey-Ferguson, dont le siège est à Toronto (Canada), annonce la suppression de 50 000 emplois sur un effectif total de 76 000 postes à l’échelle mondiale. Dans l’usine, la CGT compte alors plus de 1 000 adhérents pour près de 3 000 salariés et réalise 70 % des suffrages aux élections professionnelles. En 1978, puis en 1980, la direction de l’usine tente d’obtenir l’application de plans de licenciements, avant d’inciter aux départs volontaires. Entre 1978 et 1981, l’effectif de l’usine passe de 2 800 à 2 160 salariés.
Le 21 octobre 1982, Radio-Quinquin, la radio libre de luttes de la CGT dans le Nord-Pas-de-Calais, s’installe dans les locaux du comité d’établissement de l’usine. Malgré une vaine intervention d’un huissier de justice, l’émission se déroule et donne la parole aux salariés.
En juin 1983, la direction annonce qu’il faut licencier 600 ouvriers pour espérer sauver l’usine de la fermeture. Les salariés multiplient les actions : le 6 juillet, ils retardent le départ du Tour de France ; le 12 juillet, 900 personnes, dont des familles entières, se rendent à Paris pour s’inviter à une réunion du comité d’entreprise ; le 22 septembre, l’intersyndicale occupe l’usine ; un défilé de moissonneuses et de tracteurs est organisé ; des militants s’enchaînent à l’escalier d’honneur de la mairie de Lille ; le conseil municipal est interrompu à plusieurs reprises. Après une première vague de 429 licenciements, l’usine est placée en chômage partiel total en juin 1984. La fermeture est définitive en 1986, tandis que la cellule de reconversion professionnelle fonctionne de 1987 à 1991.
Auguste Parent fait partie de la catégorie des conventionnés, c’est-à-dire les salariés de plus de 50 ans qui perçoivent 70 % de leur salaire jusqu’à leur départ en retraite. Il ne reste pas inactif. Entre 1986 et 1989, il est président de la mutuelle complémentaire de protection sociale (MCPS), dont il est membre du bureau jusqu’en 1996.
Peu de temps après son départ en retraite, en 1991, il participe à la transformation de la section syndicale des retraités de l’usine en syndicat retraité de la métallurgie de Marquette, dont il est le secrétaire à l’organisation et à la propagande.
Il fait partie de ceux qui engage le travail de mémoire sur l’histoire de l’entreprise et du machinisme agricole à partir de 1991. Une revue, La Saga des Massey-Ferguson, est lancée en 2002, dont il l’est l’une des chevilles ouvrières, avant la création d’une association de Mémoire Ouvrière du Machinisme Agricole en 2008, avec les anciens militants de l’entreprise IHF à Croix (Nord). Celle-ci sera dissoute le 19 mars 2016. Les archives du syndicat CGT Massey-Ferguson, ainsi que de la mutuelle, font l’objet de plusieurs versements, en 1997, 2003, 2004 et 2016 au Centre des archives du monde du travail (CAMT) à Roubaix.
En 1999, il participe à la création de l’association « Les amis de Marcel Château », chargée de valoriser la mémoire de l’ancien maire de Comines.
En mars 2018, retraité toujours actif, il a participé, avec Jacques Vermeerch, ancien secrétaire de l’Union locale CGT, à l’édition d’un livre d’histoire sur l’union locale de Comines et se environs, de 1923 à 2013.
Il nous a quittés dans la nuit du 20 au 21 novembre 2020, à 89 ans tout juste.