L’arrivée de la gauche au pouvoir, en mai-juin 1981, s’insère dans une dynamique de conquête : 150 000 tracts sont diffusés parmi les ingénieurs, cadres, techniciens et agents de la métallurgie (ICTAM) lors d’une journée nationale d’action le 1er avril. Un objectif ambitieux est fixé pour la première semaine de juin : proposer l’adhésion à 100 000 ICTAM de la métallurgie, soit un sur six ! Des luttes aboutissent favorablement, à la CGE à Marcoussis, à la Snecma Corbeil ou encore aux ARCT à Roanne. Les résultats électoraux aux 2e et 3e collèges progressent.
Du changement aux désillusions
Depuis la signature du Programme commun de la gauche en 1972, une intense réflexion parcourt la CGT et plus particulièrement ses ICT. Quel doit-être leur rôle dans la gestion des entreprises, quelles libertés syndicales, quel périmètre et quel contenu donner aux nationalisations, quel avenir pour l’industrie ? Ces débats sont un point d’appui supplémentaire pour exiger de mettre en œuvre par ce gouvernement de gauche un changement politique et économique. Mais la volonté initialement affichée par Mitterrand et Maurois montre rapidement ses limites.
Après quelques mois d’avancées sociales les procédures de licenciement sont simplifiées, on dénationalise, les salaires sont bloqués, la précarité aggravée. Ce retournement déclenche des luttes ou les ICT prennent toute leur place. Chez Creusot-Loire, les cadres de la métallurgie s’associent à ceux de la banque pour organiser un débat en 1985 démontrant que l’argent existe pour développer l’entreprise. Dans l’aéronautique (Dassault, SNIAS, Snecma et Thomson), débats et pétitions exigent la poursuite du développement d’un avion de combat français. Face aux restructurations, les ICT s’organise chez Renault, RVI, Thomson-CSF ou encore Alcatel, mais la répression frappe les militants : les « dix de Renault », mais aussi chez RVI Vénissieux, Degrémond ou au CEA. Mais après les espoirs déçus, les mobilisations s’essoufflent et les journées de grève reculent. 1987 est l’année la moins remuante socialement depuis la Libération.
Le renouveau des luttes
Le rebond intervient en 1988. Les « 1 500 francs pour tous » sont gagnés à la Snecma, Un an plus tard un niveau VI est créé dans la grille de la convention collective, comportant deux coefficients (395 et 425) pour les techniciens. Cette reconnaissance des qualifications et de l’expérience professionnelle donne le signal à un renouveau des luttes et de la syndicalisation. L’UFICT annonce ainsi 112 % de FNI pour 1988 ! La démarche syndicale, le lien entre l’organisation et les salariés, les modalités de luttes sont l’objet de la réflexion des syndicats et sections syndicales UFICT. Cette remise en cause se concrétise dans l’activité quotidienne et porte ses fruits comme l’illustrent l’abandon de plans de licenciements (Thomson Sartrouville, Sochata Magny, Renault Flins et Le Mans), de sanctions (IPM Marti) ou l’obtention d’embauches (MET Massy).
Des enjeux immenses
Au début des années 2000, l’UFICT compte un peu plus de 4 000 syndiqués, répartis sur près de 500 bases, pour 770 000 ICT dans la métallurgie. Le constat est abrupt. Pourtant, là où la CGT pèse, les droits sont mieux respectés. La démonstration est faite avec la mise en œuvre des 35 heures, en 1998 et 2000. Chez Mannesmann Resroth à Vénissieux où un quart des salariés est à la CGT, les cadres sont aux 39 heures, avec compensation salariale intégrale et 31 embauches sont obtenues, dont 9 cadres.
Les nouvelles générations, sensibles à la reconnaissance de leurs études et diplômes, s’engagent en 1994 contre le contrat d’insertion professionnelle, le contrat première embauche en 2006 ou le recours aux stages et autres contrats précaires. Par là, elles démontrent leur disponibilité pour le syndicalisme. Avec un salarié sur deux désormais ingénieur, cadre ou technicien dans la métallurgie, le syndicalisme spécifique reste, plus que jamais, d’actualité.