En avril 1974, le décès prématuré du président Pompidou bouleverse le calendrier électoral. Il place le 1er Mai, journée internationale des travailleurs, en pleine campagne électorale. Dès lors, la charge politique de celle-ci s’est accrue et il n’est donc pas inutile de revenir sur la genèse de cette journée, « qui ne commémore rien et ne parle que du futur », comme le rappelle l’historienne D. Tartakowsky.

Pour les huit heures !

L’idée d’organiser une grande manifestation internationale à date fixe est formulée pour la première fois au congrès de l’Internationale socialiste, organisé à Paris en juillet 1889. Décidés à réduire la journée de travail à huit heures, les délégués retiennent le 1er mai, en raison de la tradition anglo-saxonne qui débute l’année comptable à cette date, mais aussi parce que cette journée, vierge de toute signification religieuse ou politique, avait été choisie par les syndicats américains en 1867, puis en 1886 pour imposer un objectif similaire.

Cette dernière journée était restée tristement célèbre. Le lendemain de la mort de trois grévistes de McCormick Harvester à Chicago le 3 mai 1886, une explosion frappa la police. Quatre anarcho-syndicalistes furent pendus, avant d’être réhabilités en 1893. En France, la répression sanglante des manifestations endeuille également cette date. En 1891, à Fourmies (Nord), l’armée tire sur les grévistes : neuf morts, 35 blessés. Ces massacres ont contribué à enraciner le 1er mai dans la culture ouvrière.

À partir de 1905, la jeune CGT se l’approprie et s’applique à en faire une expérience de la « grève générale », qui doit assurer l’émancipation des travailleurs. Le 1er mai 1906 doit ainsi permettre d’imposer une loi sur les huit heures, mais malgré une mobilisation importante, il fallut attendre 1919 pour l’obtenir.

Une quasi-fête nationale ?

En 1936, le licenciement d’ouvriers ayant chômé le 1er mai, comme chez Breguet Le Havre, déclenche la riposte. Une vague de grèves s’étend à tout le pays, tandis que les élections législatives consacrent la victoire de la gauche. Durant le Front populaire, les 1er mai sont massivement suivis mais, pour autant, la demande d’en faire un jour férié et chômé n’aboutit pas.

En 1941, alors que la France est occupée par l’Allemagne, le 1er mai est instituée « Fête du Travail et de la Concorde sociale » par le régime de Vichy. La Résistance, de son côté, multiplie les actions à partir de 1942.

À la Libération, les 1er mai retrouvent l’ampleur de ceux du Front populaire et le muguet, pourtant inspiré par le régime de Vichy, remplace l’églantine rouge, jusqu’alors symbole de cette journée. Le 29 avril 1948, une loi consacre cette journée, en la transformant en jour férié et chômé. Cette reconnaissance est toutefois paradoxale, puisqu’elle facilite la participation des travailleurs, tout en privant cette journée de ce qui en faisait sa force, la grève.

Une journée en mutation

Comme ce fut le cas entre 1920 et 1936, la division du mouvement syndical et la répression patronale et policière induisent un déclin de la participation aux premiers mai à partir de 1948. Après une période d’embellie entre 1968 et 1979, l’ampleur des manifestations décroît de nouveau, tandis que les tentatives de récupération, Front national en tête, se multiplient.

En 2002, en réponse à la présence du Front national au second tour des élections présidentielles, un demi-million de manifestants se rassemblent à Paris le 1er mai. Depuis, on observe qu’un nombre croissant d’associations s’approprie cette journée, tandis que le mouvement syndical tend à la réinvestir.

Alors, pour le 1er mai 2017, n’hésitons pas à faire vivre le slogan, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », formulé par K. Marx et F. Engels en 1848 !

Pour aller plus loin

Deneckere, M.-L. Georgen, I. Marssolek, D. Tartakowsky, C. Wrigley, « Premier Mai », in J.-L. Robert, F. Böll, A. Prost, (dir.), L’Invention des syndicalismes. Le syndicalisme en Europe occidentale à la fin du XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, pp. 199-218.

Maurice Dommanget, Histoire du Premier Mai, Marseille, Éditions Le mot et le reste, 2006, 550 pages.

Jean-Michel Gaillard, « Le 1er mai 1890 dans le bassin houiller du Gard », Le Mouvement social, 1976, n° 94, pp. 59-76. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56192006.

Antoine Prost, « Les Premier mai du Front populaire en province (1936-1939) », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 1990, n° 27, pp. 61-76. En ligne : http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1990_num_27_1_2263.

Miguel Rodriguez, Le Premier mai, Paris, Gallimard, 2013, 366 pages.

Miguel Rodriguez, « Le 1er mai 1936 entre deux tours, entre deux époques », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 1990, n° 27, pp. 55-61. En ligne : http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1990_num_27_1_2262.

Georges Séguy, Premier Mai : les cent printemps, Paris, Messidor-Editions sociales, 1989, 251 pages.

Danielle Tartakowsky, La Part du rêve. Histoire du Premier Mai en France, Paris, Hachette, 2005, 320 pages.