Le secteur de la métallurgie traverse une phase de transformation sans précédent, portée par les transitions écologique, numérique et énergétique.
Quelle place occuperont les ICT (Ingénieurs Cadres et Techniciens) dans les prochaines années ?
En même temps que leur part dans le salariat augmente, les ICT jouent un rôle de plus en plus important : recherche et développement, pilotage des lignes de production, maintenance, qualité, logistique…
Pourtant, ils doivent aujourd’hui composer avec un environnement de travail en rapide mutation, où l’expertise technique ne suffit plus : il leur est demandé de savoir évoluer, s’adapter et innover en permanence.
La pénurie de main d’œuvre qualifiée, les départs massifs à la retraite et la difficulté à attirer les jeunes générations fragilisent un équilibre déjà précaire. Le besoin de requalification et d’acquisition de nouveaux savoir-faire devient pressant, alors que les technologies de l’industrie 4.0 bouleversent les modèles traditionnels.
Tout ceci dans un environnement professionnel hostile (capitalisme financier exacerbé, compétition internationale féroce, déclassement en lien avec la Nouvelle Convention Collective, Lean management à tous les étages, …) qui rebute de plus en plus les jeunes à leur entrée dans le monde du travail et use prématurément les moins jeunes.
Les trois années à venir s’annoncent décisives. L’industrie doit faire face à quatre grands défis :
- Technologique : la montée en puissance de l’automatisation, de l’intelligence artificielle et des jumeaux numériques transforme les chaînes de valeur.
- Écologique : l’objectif de décarbonation impose une refonte des procédés de production, le recours à de nouveaux matériaux, et une réflexion globale sur l’empreinte environnementale.
- Économique : les enjeux de souveraineté, les relocalisations et les tensions géopolitiques complexifient l’accès aux matières premières et appellent à une véritable stratégie industrielle nationale, fondée sur la planification, la sécurisation des approvisionnements et la réindustrialisation.
- Organisationnel : les formes de travail évoluent, le management se fait hybride, et la quête de sens devient un moteur de choix professionnel pour les nouvelles générations.
Face à ces bouleversements, les métiers des ICT ne disparaissent pas, ils se transforment :
- Les ingénieurs deviennent les architectes de l’innovation. Leurs missions s’étendent : anticipation des ruptures technologiques, éco-conception, intégration des outils numériques…
- Les cadres, en prise directe avec les équipes, doivent impulser le changement, redéfinir les organisations et accompagner les transitions managériales.
- Les techniciens voient leur rôle renforcé dans l’interaction homme-machine. Leur expertise terrain devient précieuse pour adapter les outils numériques aux réalités opérationnelles.
Plus que jamais, la polyvalence, les compétences transverses (gestion de projet, communication, culture numérique) et la capacité à apprendre en continu deviennent des facteurs clé dans un environnement professionnel de plus en plus oppressant
Aujourd’hui, trois dynamiques sont à l’œuvre et s’articulent entre elles :
- L’accélération technologique : les entreprises misent massivement sur la numérisation. Les ICT, éléments essentiels de cette transition, doivent suivre le rythme effréné de l’innovation.
- Un contexte économique sous tension : les investissements se font plus prudents, les profils ICT doivent jongler entre efficacité, flexibilité et responsabilités élargies.
- La priorité à la transition écologique : les compétences liées à l’éco-conception, à la gestion de l’énergie et à l’analyse du cycle de vie sont cruciales.
Quid de l’humain et du sens du travail dans tout ça ?
Le quoiqu’il en coûte ne doit pas l’emporter sur l’humain et le bien commun.
Pour aller de l’avant, les priorités devraient être :
- Former via l’alternance, la montée en qualifications, et la formation continue.
- Attirer en valorisant les carrières techniques, en améliorant les conditions de travail et en rendant le secteur plus visible.
- Fidéliser en offrant des perspectives d’évolution, un environnement de travail stimulant et une reconnaissance à la hauteur de l’engagement.
Tout ceci ne peut se faire qu’avec une mobilisation collective.
Trop souvent présentée comme une industrie du passé, la métallurgie reste pourtant au cœur des enjeux industriels de demain. Les ingénieurs, cadres et techniciens y jouent un rôle essentiel et doivent être pleinement reconnus comme acteurs de la transformation industrielle, dans le respect de leurs qualifications et de leurs droits.
La déclassification résultant de la mise en place de la Nouvelle Convention Collective de la Métallurgie (que seule la CGT n’a, à juste titre, pas signée) a été très mal perçue par les ICT.
Ce contexte doit être l’occasion de renforcer notre présence auprès des Ingénieurs, Cadres et Techniciens, en les mobilisant autour d’enjeux fondamentaux tels que la reconnaissance des diplômes, des qualifications et de l’expérience professionnelle.
C’est d’autant plus nécessaire que, d’un côté la part des ICT dans le salariat est en forte croissance et, de l’autre, après l’UIMM, l’ensemble du MEDEF a pour ambition d’étendre ce modèle régressif aux autres branches.
Fidèle à son histoire*, notre Fédération de la Métallurgie au sein de la CGT doit être un véritable lieu de convergence des luttes, rassemblant l’ensemble des salariés – ouvriers, techniciens, ingénieurs et cadres – autour de revendications communes face aux politiques patronales.
Histoire du Syndicalisme Spécifique dans la Métallurgie (Emeric TELLIER)
*Ingés, cadres, techs de la métallurgie (I), Ingés, cadres, techs métallurgistes, de la Libération à nos jours (II), Ingés, cadres, techs métallurgistes, de la Libération à nos jours (III)
Laurent Richard, co-secrétaire général de l’UFICT
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